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était nécessaire. Il importait d’apprendre vite à le parler. Nos chefs y avaient pensé ; en quoi ils visaient deux buts différens, mais connexes : nous rendre capables de nous tirer d’affaire, de nous débrouiller à travers les provinces et à Athènes ; et, en second lieu, nous rapprocher autant que possible des Hellènes, nous associer à leur vie, nous en faire des amis, nous rendre utiles enfin, modestement, mais efficacement, dans un intérêt politique.

Un professeur de grec moderne était d’avance attaché à l’Ecole : c’était le bon et savant M. Bisantios (prononcez Visandios). Il nous donnait ses leçons dans une petite salle qui en garda le nom de la Visandine. Il parlait bien français, quoique avec lenteur, et s’expliquait nettement. Les progrès de ses grands, élèves furent rapides, car ils connaissaient le grec ancien et le passage de la langue antique à la langue actuelle leur était facile. Ils furent alors frappés au plus haut point de ce grand phénomène historique d’une langue se conservant à travers tant de siècles jusqu’aujourd’hui, non certes sans s’altérer, mais en gardant ses traits essentiels et caractéristiques. Mais quels étaient les élémens qui avaient résisté à l’épreuve des temps et à tant d’influences étrangères et de mélanges divers ? N’était-ce pas surtout la langue du peuple, de la rue, qui survivait à celle de Démosthènes et de Xénophon ? Et de ce parler populaire, ne retrouverait-on rien dans les ouvrages classiques ? Enfin, n’y aurait-il pas lieu de préparer une histoire de l’évolution de la langue grecque depuis Homère jusqu’à présent ? Le problème est immense. Nul d’entre nous, certes, ne songeait à l’aborder. Mais nous espérions du moins qu’on le traiterait un jour, en divisant la tâche, en distinguant les époques. C’est ce qui se fait maintenant. Cinq ans après nous, Beulé posait, dans sa thèse latine, une partie importante de la question. Il avait bien raison de dire, dans sa conclusion : « Celui qui voudra recueillir chez les Grecs anciens tous les indices de la langue vulgaire, devra de toute nécessité passer en Grèce de nombreuses années, et ne pas se contenter de la fréquentation des lettrés, mais entrer en communication avec le peuple. Il devra visiter beaucoup de contrées, lui effet, la langue varie comme les parties de la Grèce elle-même. » On trouvera ces vues considérablement agrandies et complétées dans les Études de philologie néo-grecque Recherches sur le développement historique du grec, publiées par M. Jean Psichari, qui organise, à