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ce point particulier, le plus important de tous aujourd’hui, des renseignemens qui ne laissaient rien à deviner. On sait maintenant que l’Angleterre s’est montrée, quoique sans aucun enthousiasme, favorable à la candidature du prince Georges, et que l’Allemagne a pris une attitude franchement opposante. Mais nous ? Il est à croire que, dans cette question comme dans beaucoup d’autres, nous avons suivi la Russie, car c’est elle qui a mis en avant la candidature du prince Georges. Il n’en est pas moins un peu surprenant qu’aucune question directe n’ait été posée à M. Hanotaux à ce sujet, comme si la Chambre avait redouté de mettre en discussion un problème aussi délicat. Délicat, il l’est sans doute : cependant les Parlemens étrangers n’ont pas hésité à y toucher ; ils y ont moins mis de scrupules que nous ; et les déclarations de lord Salisbury et de M. de Bulow, dans leur opposition même, ont jeté un jour très intéressant sur la politique de leurs gouvernemens respectifs.

Nous disions, il y a quinze jours, que cette candidature du prince Georges était traitée un peu comme les précédentes, à savoir qu’on n’en parlait pas assez, qu’on fournissait insuffisamment aux discussions qu’elle soulevait, enfin qu’elle risquait de dépérir d’inanition. Si elle dépérit dorénavant, ce sera d’autre chose. La vérité d’il y a huit jours n’est plus celle d’aujourd’hui. La candidature du prince Georges est sortie de la pénombre des chancelleries, pour entrer dans le grand jour de la publicité. Si elle a continué, en France, d’être passée sous silence, il n’en a pas été de même en Angleterre et en Allemagne. Les journaux de toute l’Europe en ont discouru, et il n’y a pas, en ce moment, de question internationale qui excite l’attention d’une manière plus vive. Le bruit qui s’est fait autour d’elle lui sera-t-il finalement plus utile que le silence qui avait été d’abord observé ? C’est ce que nous n’oserions dire : mais enfin on s’en est occupé, ce qui est déjà quelque chose.

Lord Salisbury lui a consacré un passage important de son discours dans la discussion de l’adresse. Il est impossible de ne pas acquiescer à ce qu’il dit de la situation de la Crète, situation qui se prolonge sans s’améliorer, et qui ne peut même que s’aggraver en se prolongeant. Déjà, le discours de la Reine avait qualifié d’excessive la longueur des négociations entamées entre les puissances, et personne ne trouvera que l’épithète soit excessive elle-même. En attendant que ces négociations aboutissent, la Crète est soumise à une espèce d’anarchie, heureusement tempérée par la présence des troupes européennes, et, ne l’oublions pas, par celle des troupes ottomanes. Lord Kimberley a demandé le retrait de ces dernières, en affirmant qu’aussi longtemps