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par M. Birkbeck Hill, rien qui pût ressembler à une vraie confidence : et ce ne sont pas uniquement les confidences qui y manquent. Sauf une saisissante peinture d’un brouillard d’été sur la mer, — que Rossetti d’ailleurs a transcrite presque littéralement dans un de ses poèmes, — rien n’y révèle l’âme d’un poète, ni d’un peintre. Si longues que soient les lettres, si variés qu’en soient les sujets, on sent toujours que Rossetti les écrit en homme pressé, et qui tient la correspondance pour une besogne inférieure.


Est-ce donc à dire que, en dehors de l’instructif commentaire dont les a entourées M. Birkbeck Hill, elles ne nous apprennent rien sur l’œuvre et la personne de l’auteur de la Maison de la Vie ? Certes, nous les eussions souhaitées plus expansives, et d’une portée plus haute. Mais telles qu’elles sont, à défaut de l’intérêt littéraire qu’on aurait pu en attendre, elles ont du moins la valeur de documens curieux, nous aidant à mieux comprendre, sinon à admirer davantage, une des personnalités artistiques les plus étranges de notre temps.

Et d’abord il n’y a pas jusqu’à leur manque d’intérêt littéraire qui n’offre, à ce point de vue, un certain intérêt. Ce ne sont pas en effet les sujets qui sont ennuyeux, dans ces lettres : sans cesse, au contraire, Rossetti y touche aux plus grands sujets ; et si l’on jugeait du contenu de sa correspondance avec Allingham par la Table des Matières et l’Index des Noms cités qu’y a joints M. Hill, peu d’ouvrages, à coup sûr, sembleraient plus riches. Voici, par exemple, le sommaire de la lettre du 25 novembre 1855 : — « Un règlement de comptes. — Rossetti à Paris. — Hommes et Femmes, de Browning. — Miss Siddal (la fiancée du poète) à Nice. — Blake et Hayley. — Les Browning à Paris. — Le père de Browning. — J. Milsand. — Tennyson. — Ruskin. — L’Exposition de Paris. » La lettre du 30 avril 1856 a pour sujets principaux : « Les Fresques italiennes. — Le Rêve de Dante. — L’opinion de M. Ruskin sur Browning et Longfellow. — L’Exposition de la Royal Academy. » Ailleurs il s’agit de Dante, de Wordsworth, de Delacroix, de M. Burne-Jones, et de la poésie, et de l’amour. Et tout cela n’est, en vérité, que touché en passant, mais l’auteur y touche assez, et assez souvent, pour que l’on ne puisse pas mettre au seul compte de sa hâte et de sa négligence le peu de valeur de ce qu’il en dit. Si ces lettres, malgré les promesses du sommaire, nous paraissent, à la lecture, monotones, banales, et vides, c’est encore, c’est surtout parce que toute pensée en est absente. Je ne crois pas qu’on puisse trouver, dans le volume entier, l’ombre d’une idée générale, ni la trace d’un effort à rehausser, à