devant les yeux la séparation et l’a superposition des classes ; il était habitué à s’incliner devant un dogme, à s’arrêter au seuil d’un domaine où la discussion n’était pas reçue. L’homme d’aujourd’hui qui entre dans le cadre de l’armée y trouve une organisation qu’il sent indispensable, mais à laquelle rien ne l’a préparé et dont n’a trouvé l’analogue ni dans la forme de la société, ni dans les habitudes de l’esprit contemporain.
Grâce à cette organisation réglée en vue du danger et sur laquelle plane l’idée de la mort, l’armée a son unité, forme un tout, qui se perpétue, qui reste le même, alors que partout ailleurs il n’y a que changement, bouleversement, et discorde. Parmi nos institutions, il n’en est pas une qui soit restée inattaquée. Nous nous battons sur tous les terrains, en pleine paix, et en dépit de toutes les conventions de neutralité. En politique, c’est la rivalité des partis occupés à se ruiner les uns les autres, et une telle instabilité dans les conseils des gouvernemens, qu’on a peine à croire que ces gouvernemens qui se succèdent gouvernent un même pays. En religion, c’est l’hostilité des divers cultes occupés à se détruire et incapables de s’unir pour résister à la menace commune de l’irréligion. L’enseignement est le champ clos où les partisans d’un idéal différent se disputent l’âme des jeunes Français. Lutte entre les classes, lutte entre le monde des affaires et celui de la pensée, lutte entre le travail et le capital. L’armée se tient en dehors de ces conflits : elle ignore nos divisions, elle sait seulement qu’elle a pour mission de défendre l’ordre et de veiller à l’intégrité du sol. C’est pourquoi si vous voulez trouver l’image de ce qui, indépendamment des formes changeantes de la politique, en dehors de l’antagonisme des intérêts, constitue le fond durable de l’énergie nationale, ne la cherchez pas ailleurs. Elle est ici. L’armée est cela même : le symbole vivant de la patrie.
Elle en porte l’âme en elle. Cette âme impersonnelle s’est formée lentement, façonnée par la tradition, fortifiée par l’épreuve, traversée par le souffle de tous ceux qui ont fait vaillamment leur devoir, somme d’un nombre incalculable de dévouemens. Elle s’est imprégnée dans les choses, elle est dans les cadres, dans l’historique du régiment, dans son uniforme et dans les plis de son drapeau. C’est elle qui groupe les individus, qui les soulève à l’heure du danger et qui, par l’énergie de son principe intérieur, prévaut contre les défaillances, fond les égoïsmes, entraine toutes les résistances, roule toutes les misères dans un magnifique emportement. « Prends-moi un pataud des champs, un rustre sans éducation, qui n’a jamais entendu parler d’honneur et de