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autrefois était une dame de grand crédit ; aujourd’hui elle n’en a plus, et les choses ne vont pas mieux. Je ne doute pas que Bonaparte fasse la culbute de manière ou d’autre ; mais cela ne suffit pas ; il y a bien d’autres que lui à craindre pour le présent et l’avenir ! » Quelques jours après Waterloo : « Pour consolider le bienfait des efforts des alliés, il faudra maintenant faire régner la Justice. La Bonté, dans notre siècle, produit trop de mal. » Elle pousse vivement le roi à renoncer enfin au « système de clémence » ; et ce n’est pas sans étonnement qu’on la voit applaudir de bonne foi aux fusillades sommaires, se plaindre des « lenteurs » du procès de La Valette et du maréchal Ney. Elle propose en exemple l’exécution de Murat, « si juste, si prompte, si sans-façon », et n’a que des railleries pour les regrets que manifestent, en Angleterre, les amis de ce dernier : « Lord Holland, écrit-elle, leur a donné un dîner dans un appartement tendu de noir, où tout, jusqu’à la nappe, était de la même couleur. N’est-ce pas vraiment touchant ? Ce qu’il y a de consolant, c’est que sans doute, à cette pompe funèbre, on ne s’en sera pas moins enivré. » Si surprenantes que semblent, à près d’un siècle de distance, sous la plume de la « Sœur M. J. de la Miséricorde », ces lignes impitoyables, il n’y faut voir, je le répète, que l’écho d’un sentiment alors à peu près général. Les passions politiques, plus éphémères et plus factices que d’autres, ne sont ni moins ardentes, ni moins irréfléchies ; il faut, à les juger, apporter la même dose d’indulgence. Qui oserait, les cendres éteintes, répondre de ce qu’il eût dit et fait au fort de l’incendie ?

L’Empire définitivement tombé, Louis XVIII revenu au château des Tuileries, la princesse Louise, instruite par l’expérience, attendit cette fois pour retourner en France que le régime royal eût fait preuve de durée, et que l’ordre parût entièrement rétabli. Les quatorze mois de séjour en Angleterre n’en furent pas moins activement employés. « Ma conscience, écrit-elle à son frère, m’oblige à faire effort pour rentrer dans mon ancien état de religieuse. » Mais elle redoute en même temps de faire choix de quelqu’une des maisons qui subsistent en France, car elle ne se soucie guère « de prêter une fois de plus aux caquets sur les changemens de couvent ». Son désir le plus vif serait donc de fonder un ordre, qu’elle puisse organiser et régler à sa guise, selon les idées qu’elle s’est faites de l’état monastique ; et elle entame à ce sujet, avec le gouvernement de Louis XVIII, une