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chimiques et pharmaceutiques à l’Exposition universelle de Paris, signalait les progrès de l’Allemagne et demandait la création d’une école de chimie. En 1893, M. Haller, directeur de l’Institut chimique de la faculté des sciences de Nancy, dans son rapport sur l’exposition de Chicago, montrait le chemin qu’elle avait parcouru en ces quinze ans. Tout récemment M. Lauth, revenant à la charge, nous a donné sous le titre de « Science pure et science appliquée » le résumé saisissant des positions respectives des nations concurrentes sur cette partie du champ de bataille industriel. Il démontre, par des argumens sans réplique, que le salut serait pour nous dans la réorganisation de l’enseignement de la chimie ; dans l’installation de laboratoires où nos savans se préoccuperaient, non seulement de poursuivre leurs admirables découvertes, mais d’en rechercher les applications et de former des élèves dont l’esprit sera tendu vers ce résultat. Qu’on donne à l’industrie française 600 jeunes chimistes sortant chaque année des Universités, préparés comme ils le sont en Allemagne, et on verra la transformation s’accomplir. Rien, sur ce domaine, n’est moins incompatible que la théorie et la pratique : mais encore ne faut-il pas que la première écarte systématiquement les déductions qui naissent de ses découvertes. La science, nous ne saurions trop le répéter, a été ici une source de richesse incomparable. C’est un disciple de Bunsen, Auer, qui, par des raisonnemens et des expériences de laboratoire, est arrivé à la conception du bec qui porte son nom, qui a fait sa fortune et celle de nombreuses sociétés. Y serait-il parvenu s’il eût été le préparateur de ce savant théoricien qui, voyant au cours d’une expérience le liquide se teinter soudain d’une merveilleuse couleur, se tourne vers ses élèves et s’écrie : « Quel ennui ! débarrassez-moi donc de cela ! » L’idée qu’il avait peut-être sous la main le principe d’une précieuse matière tinctoriale ne lui était même pas apparue. Cette fâcheuse disposition d’esprit est moderne. De grands maîtres pensaient autrement : Dumas a consacré un ouvrage en plusieurs volumes à la chimie industrielle.

Qu’on nous pardonne cette digression et ce retour sur nous-mêmes, à propos d’une étude sur l’industrie chimique allemande. Mais nous n’y trouvons d’intérêt qu’à cause des leçons qui s’en dégagent pour notre pays. N’allons pas nous imaginer que nous ne sommes pas de taille à lutter : ici comme ailleurs, nous avons fourni un contingent égal à celui des nations les plus avancées,