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qu’en décidant une allocation de cent mille francs pour les victimes du tremblement de terre, comme en donnant au maréchal Randon des instructions importantes pour une expédition, vous ne fassiez intervenir mon nom en quoi que ce soit. Dans un gouvernement bien organisé, et même constitutionnel comme l’Angleterre, toute décision grave est prise au nom du souverain. Il a beau ne pas connaître les mesures adoptées, elles ont toujours l’air, aux yeux des agens subalternes comme à ceux du public, d’avoir été ordonnées par lui. Si cela est vrai pour un gouvernement constitutionnel, à plus forte raison pour un gouvernement comme le mien, où je veux et où je dois tout savoir, où la responsabilité des faits m’incombe seul. Autrement nous aurions tous les inconvéniens du système représentatif sans en avoir les avantages, car avec ce système, si les ministres étaient responsables de leurs actes, ils avaient le contrôle des Chambres. Mais aujourd’hui, si un ministre, de son plein mouvement et sans s’être concerté avec moi, arrête des mesures hors de la sphère commune de son activité, il se met en opposition directe avec l’esprit de la Constitution, et cela influe d’une manière fâcheuse sur l’administration entière. Ainsi, dans le rapport que vous a dernièrement adressé le général Rostolan à propos des établissemens créés pour recevoir des soldats malades, il y avait cette phrase inconvenante que j’ai modifiée : pour remplir vos intentions et celles de l’Empereur. Je me borne à ce seul exemple, quoiqu’il s’en présente souvent dans votre ministère comme dans celui de tous les autres. Mais pour le vôtre cela est plus sérieux, car le plus beau titre d’un souverain en Europe a toujours été celui de chef de l’armée. Aussi ont-ils voulu conserver dans leur cabinet et particulièrement sous leur main tout ce qui était relatif au personnel de l’armée. Il en est ainsi en Prusse, en Autriche, en Russie. On a tenté la même chose en France sous la Restauration par les pouvoirs donnés au duc d’Angoulême, et en Angleterre même elle existe à peu près par les pouvoirs donnés au duc de Cambridge. Partout on a craint de voir l’autorité absolue d’un ministre se placer entre le souverain et l’armée. Si je vous ai entretenu si longuement de ce sujet, c’est surtout à cause de la tendance des bureaux qui semblent en lutte perpétuelle avec l’initiative du chef de l’Etat. Ainsi je trouve très bien qu’il y ait des tableaux d’avancement pour que le ministre puisse désigner au Souverain les officiers capables, mais je ne puis admettre d’un autre côté que je n’aie pas le même