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vous entretenir si longuement d’une opinion qui m’est personnelle. Vous m’avez mis sur la voie, et je n’ai pu résister au désir de vous faire connaître ma pensée sur une question que je n’ai pas la vanité de juger mieux que personne, mais que j’ai la prétention d’avoir étudiée autant que qui que ce soit au monde.


La collection de journaux que vous avez bien voulu m’envoyer, comme toujours, nous donne amplement de quoi lire depuis huit jours et nous fait fort agréablement passer les loisirs, peu nombreux d’ailleurs, que nous laissent Abd-el-Kader et toutes les tribus qu’il avait soulevées. Ces dernières, qui sont sans cesse entre l’enclume et le marteau, commencent à comprendre qu’elles ont été trompées et qu’elles ont tout avantage à nous rester fidèles. Aussi nous sont-elles revenues pour la plupart ; elles ont repris leurs cultures et nous seront soumises jusqu’à ce qu’un accès de fanatisme vienne encore une fois leur faire perdre la raison.

Abd-el-Kader, chassé du Tell, s’est réfugié sur les hauts plateaux. Il est en ce moment dans le sud de la province d’Alger. Nous attendons qu’il dessine son mouvement, car si sa Daïra le rappelle au Maroc, il ne doit pas, dans son intérêt, négliger d’aller se faire voir dans l’ouest de la province de Constantine où Ben-Salem soutient toujours sa cause. Nous travaillons à lui rendre hostiles toutes nos tribus, à lui fermer les portes du pays à blé et à le forcer d’aller, faute de vivres, retrouver tout le monde qu’il a laissé dans la Moulouya.

Somme toute, notre situation s’améliore sensiblement. Peu à peu les traces de la dernière insurrection disparaissent, et nous avons tout lieu d’espérer qu’un moment de calme succédera à la crise dont nous sommes à peine sortis.

Veuillez agréer, etc.


Le colonel Le Flô au général de Castellane.


Au bivouac, sur l’Oued Djenan, est d’Alger, le 17 mars 1846.

J’ai quitté avant-hier, sur l’Oued Zeghroua, à vingt-cinq lieues au sud-ouest d’Alger, votre fils Pierre et je l’ai laissé aussi bien portant que vous pouvez le souhaiter. C’est un officier parfaitement posé dans son régiment, bon, spirituel et brave, et que j’ai rencontré avec grand plaisir, me rappelant toujours avec bonheur