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présent des choses que si j’y étais contraint par une nécessité évidente. D’où peut-elle naître ? Uniquement de la conduite des partis. S’ils se résignent, rien ne sera changé. Mais si, par leurs sourdes menées, ils cherchaient à saper les bases de mon gouvernement ; si, dans leur aveuglement, ils niaient la légitimité du résultat de l’élection populaire ; si, enfin, ils venaient sans cesse, par leurs attaques, mettre en question l’avenir du pays, alors, mais seulement alors, il pourrait être raisonnable de demander au peuple, au nom du repos de la France, un nouveau titre qui fixât irrévocablement sur ma tête le pouvoir dont il m’a revêtu. Mais ne nous préoccupons pas d’avance de difficultés qui n’ont sans doute rien de probable. Conservons la République, elle ne menace personne, elle peut rassurer tout le monde. Sous sa bannière, je veux inaugurer de nouveau une ère d’oubli et de conciliation, et j’appelle, sans distinction, tous ceux qui veulent franchement concourir avec moi au bien public. »

La promesse : Conservons la République, n’attendrit pas les quelques républicains élus ; ils refusèrent avec insulte le serment constitutionnel. « Nous n’admettons pas que nos électeurs aient voulu nous envoyer dans un Corps législatif dont les pouvoirs ne s’étendent pas jusqu’à réparer les violations du droit ; nous repoussons la doctrine immorale des réticences, des arrière-pensées ; nous refusons le serment exigé à l’entrée du Corps législatif. » Il est vrai qu’au moment où le Prince disait : Conservons la République, le renversement de cette république était prémédité dans ses conseils et dans son entourage.


VI

Monarchie ou république, dit-on. C’est mal poser la question. Monarchie, au sens propre du mot, signifie gouvernement d’un seul, rien de plus. Il y a bien des monarchies. Il y a la monarchie viagère comme celle du Pape, ou du doge de Venise, ou du gonfalonier perpétuel de Florence, ou du stathoudérat hollandais ; il y a la monarchie héréditaire. Cette hérédité elle-même est soumise à diverses modalités. A Constantinople, elle est au profit du parent le plus âgé et non du fils ; en Angleterre, les filles en bénéficient ; elles n’y sont pas admises en France. Dans les premiers temps de notre monarchie, l’élection et l’hérédité se combinaient : le roi était choisi par les notables dans la famille royale,