Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 145.djvu/78

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de ligne et ceux du 2e chasseurs à cheval qui étaient dans cette situation. Je les attends avec impatience et vous remercie, monsieur le lieutenant général, de cette nouvelle marque d’intérêt que vous voulez bien donner à la province d’Oran.

J’aimerais assez qu’Ibrahim-Pacha et notre ambassadeur du Maroc pussent se rencontrer à Paris. Le premier, qui marche franchement dans les eaux de la France, ne manquerait pas d’influencer en notre faveur son coreligionnaire. N’est-il pas naturel, en effet, que l’Orient se charge du soin de venir éclairer l’Occident ?

Vous me dites que les discussions sur l’Algérie seront vives, cette année, à la Chambre, qu’on se préoccupe de ce qui arriverait pour l’Afrique dans le cas d’une guerre générale, et qu’on veut demander au gouvernement au prix de quels sacrifices il serait possible de s’y établir de manière à n’être point forcés d’évacuer dans des circonstances données. Une marine plus considérable, un refuge aux îles Baléares et un vaste port à Port-Vendres seraient, sans aucun doute, de puissans auxiliaires. Mais est-ce bien là ce qui, après la conquête, peut, en tout état de cause, nous assurer la sûre possession de l’Algérie ? Je ne le pense pas. Suivant moi, on pourrait presque dire que l’avenir de l’Afrique repose sur la rapide implantation sur le sol d’une nombreuse population européenne. En effet, il y a aussi deux choses essentielles à considérer : et l’armée chargée de défendre la colonie, et la nourriture de cette armée en cas de guerre maritime.

1° Pourrons-nous toujours demander à la mère patrie toute cette armée qui, un jour venu, devrait trouver, dans la colonie même, assez de ressources pour suffire, en partie du moins, à son entretien et à son recrutement ? Le puissant concours que devront nous fournir plus tard les milices africaines permettra au gouvernement de diminuer considérablement l’effectif des troupes proprement dites. C’est dans ce sens et aussi parce que les revenus seraient plus forts que, de fait, la colonie pourra suffire presque seule à sa propre défense. Mais, pour cela, il nous faut des colons européens, car nous ne pourrons jamais avoir assez de confiance dans les indigènes, qui, au premier bruit de guerre, ne manqueraient pas de se révolter.

2° Nous devons tout faire pour retirer du pays même le blé, la viande, les fourrages, etc., nécessaires pour la nourriture de cette même armée. Les indigènes cultivent-ils assez, élèvent-ils