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qui a présidé à l’élaboration de la substance colorée. Cependant, malgré de très nombreuses exceptions, la règle d’Haüy, comme toutes les pseudo-lois, appelées en science lois de fréquence, lois statistiques, conserve encore une certaine valeur ; — et les premières indications qu’elle fournit, à la condition d’être ultérieurement contrôlées, peuvent être encore de quelque utilité.

Des soixante-douze corps simples de la nature, nous avons dit qu’un certain nombre étaient exclus du cycle vital par leur rareté même. Les autres en sont écartés pour des causes que les partisans des explications finalistes n’auront pas de peine à imaginer et, en premier lieu, parce que la plupart de ces élémens sont trop pesans. Le fer lui-même, quoiqu’il soit l’un des métaux les plus légers, pèse cependant sept fois plus environ que l’eau ; il est un corps lourd par rapport à la matière organique, il paraît être à la limite des métaux susceptibles d’être introduits dans les composés vivans. Et déjà cette incorporation exige un artifice de structure moléculaire qui n’est pas sans inconvénient pour les échanges nutritifs : nous voulons dire la constitution d’édifices moléculaires énormes. Au de la du fer, dont l’atome pèse cinquante-six fois autant que celui de l’hydrogène, on ne trouve plus que le cuivre dont le poids atomique est de 63 et qui n’entre que par exception dans les tissus organisés, par exemple dans le sang de beaucoup d’invertébrés : crustacés tels que le homard, la langouste ; ou mollusques, tels que l’escargot. Plus loin enfin se trouve le zinc, avec un poids atomique de 65, qui lui interdit, sauf dans des cas tout à fait exceptionnels, l’accès dans le cycle vital.

La pesanteur, et en général les propriétés physiques des diverses parties d’un être organisé doivent présenter une certaine uniformité. Il faut que tous les tissus pèsent à peu près autant sous le même volume, et que ce poids spécifique constant soit très sensiblement identique à celui des liquides qui les baignent : le sang, la lymphe, poids qui est très voisin de celui de l’eau. Un atome de fer introduit sans précaution dans un tel milieu y ferait l’effet d’un grain de plomb tombant dans une masse de gelée. Le moindre déplacement entraînerait des déformations et des altérations de structure irréparables. L’uniformité de poids spécifique des parties organiques protège l’édifice vivant contre des accidens de ce genre, c’est-à-dire l’action perturbatrice de la pesanteur ; elle est un moyen de défense contre cette force universelle.