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chimie nous a fait connaître, à peine en est-il une vingtaine qui se rencontrent dans les organismes, et parmi eux une douzaine tout au plus qui puissent en être regardés comme des constituans essentiels. Ces douze corps simples sont précisément les plus banals du milieu cosmique : le fer est le dernier et le plus lourd d’entre eux.

Si l’on cherche à se rendre compte pourquoi il en est ainsi, pourquoi le monde vivant n’est composé que des élémens les plus universels du milieu géologique, la raison générale n’en est pas difficile à apercevoir. C’est une conséquence des lois universelles de Nutrition et d’Accroissement. La vie ne s’entretient que par de continuels échanges avec le monde physique : sous la forme d’aliment ou d’excitant, elle emprunte à celui-ci sa substance et ses énergies, et les lui restitue fidèlement. Les êtres vivans sortant de germes toujours petits, la masse des matériaux transmis se trouve toujours faible, et le plus souvent infime, en comparaison de ceux qui doivent être acquis, c’est-à-dire nécessairement empruntés au sol et à l’atmosphère.

Il est vraisemblable qu’à l’apparition des premières formes vivantes ces êtres de début présentaient une constitution chimique plus simple que les êtres actuels. Le degré de simplicité le plus extrême que l’on puisse supposer exige encore la mise en œuvre des quatre élémens : carbone, oxygène, hydrogène, azote, nécessaires pour former la molécule organique fondamentale. Les autres élémens, et le fer l’un des derniers, se sont sans doute ajoutés successivement à ceux-là, par une sorte d’adaptation chimique de l’être vivant au milieu qui les lui offrait plus constamment. Pour parler le langage des chimistes, cette faculté d’accommodation ou d’adaptation repose sur l’aptitude de la molécule organique fondamentale à s’agréger successivement les groupes atomiques les plus répandus autour d’elle et qui correspondent le mieux à sa fonction. En termes plus simples, la circulation de la matière entre l’ordre vivant et l’ordre inanimé et l’accommodation nécessaire de ces deux ordres entre eux exigent que les animaux et les plantes soient formés de la même argile que la terre qui les supporte.

Le fer est donc entré dans la constitution des êtres vivans pour cette première raison qu’il est répandu à profusion dans l’univers. Son abondance ne se juge pas seulement au nombre et à la puissance des couches dont il forme l’élément principal et