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c’est-à-dire les seuls propriétaires, sont, non pas les verriers, mais des sociétés et des syndicats qui n’ont même pas besoin d’être des sociétés et des syndicats de verriers. Les ouvriers de la verrerie, conséquemment, n’ont aucune espèce de droit de propriété sur leur usine. Elle est aux boulangers, aux cordonniers, aux chapeliers, aux mégissiers, aux mineurs, aux tanneurs, aux polisseurs, mais n’est pas nécessairement à eux, verriers. N’ont-ils donc aucun droit d’aucune sorte ? Ils en ont un, mais illusoire. « La Société, disent les statuts, est administrée par un conseil composé de neuf membres. Six au moins devront être désignés par les ouvriers travaillant à la verrerie ouvrière. » La clause est certainement en faveur des verriers, mais annulée, en fait, par celle-ci : « Le conseil nomme tout directeur, gérant, économe, caissier et autres employés... En un mot, il nomme et révoque tous les employés quelconques et tous les membres du personnel sans exception. » En d’autres termes, le conseil prend ou renvoie, garde ou élimine, comme il l’entend, le personnel même dont il est censé dépendre. Il nomme lui-même ses propres électeurs. Les révoqués, il est vrai, peuvent « en appeler à l’Assemblée générale », mais leur appel « n’est pas suspensif » et l’Assemblée générale, d’autre part, étant celle des actionnaires, n’est pas celle des ouvriers. Enfin, 40 pour 100 des dividendes distribuables se trouvent affectés au personnel, mais avec cette restriction : « Ils devront être employés en pensions de retraites ou secours extraordinaires pour invalidité, chômages, etc. » Or, le conseil engage ou renvoie les ouvriers comme il l’entend, et les caisses de retraites ou de secours ne valent plus, dès lors, comme partout, que pour le personnel conservé par la direction. Le verrier, en résumé, est très mal traité dans ces statuts, et n’y trouve même pas la participation ordinairement attribuée, dans les sociétés analogues, aux participans dans son genre. Non seulement la loi n’est pas employée à son bénéfice, mais on en joue même à son détriment.


VIII

Etait-ce bien là, cependant, la société convenue, l’association promise, et les verriers, dès le principe, avaient-ils aussi complètement sacrifié leur cause personnelle à celle d’une cause ouvrière générale ?... C’est au commencement de novembre 1895 qu’apparaît