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semble que ce soit excessif. Et pourquoi, d’autre part, frapper l’apprenti d’impositions aussi répétées et aussi fortes ? Payer cinq francs... payer dix francs... payer vingt francs... Ce mot de « payer » revient dans le règlement comme celui de « mort » dans le code pénal militaire.

Le Syndicat, en réalité, dans cette espèce de carbonarisme professionnel, semble viser, non plus le « patron », mais le « verrier » lui-même, et il y a vraiment là quelque chose de singulier. Pourquoi tant de lisières, d’obstacles à l’apprentissage ? Pourquoi le verrier est-il si dur au verrier ?... Feuilletons, en attendant que ce mystère s’explique, l’acte de la Fédération, et voyons comment elle fonctionne. « Il est formé, y est-il déclaré, entre toutes les chambres syndicales adhérentes aux présens statuts, une Fédération qui prend le nom de : Fédération nationale des chambres syndicales des ouvriers verriers et tailleurs sur verres et cristaux de France... La durée de cette Fédération est illimitée et nul ne pourra en demander la dissolution ; elle aura le droit de recruter des membres sur toute l’étendue du territoire français... » Et quel est le but précis de toute cette organisation ? « Le devoir des chambres syndicales fédérées sera de faire aboutir à la victoire, PAR TOUS LES MOYENS A LEUR DISPOSITION, LEURS COLLÈGUES EN LUTTE CONTRE LE PATRONAT : pécuniairement, principalement, et moralement, pour tous les mouvemens agressifs ou imprévus de la part des patrons. » La Fédération des chambres syndicales, et les chambres syndicales elles-mêmes, ne sont donc pas, et ne veulent pas rester de simples sociétés professionnelles, mais des associations politiques, des associations de combat, visant à la « victoire sur le patronat », à son abolition » par tous les moyens » ; et le moyen le plus employé est la grève. « Lorsqu’une chambre syndicale sera en grève, dit encore l’acte, elle devra, dès le premier jour qui suivra, au plus tard, en avertir la Fédération, ainsi que toutes les chambres syndicales fédérées... En cas de grève, la caisse de résistance n’enverra ou ne donnera de secours que le quinzième jour de la grève. Toutefois, dans les cas de force majeure, que la Fédération appréciera, des secours provisoires seront immédiatement mis à la disposition des chambres syndicales pour venir en aide aux grévistes... En cas d’épuisement de la caisse de résistance, les chambres syndicales fédérées devront faire appel à leurs sociétaires, afin de subvenir et parer aux besoins de leurs frères en grève, soit en doublant ou triplant les