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Art. 4. — En prenant place de Grand Garçon, IL PAIERA DIX FRANCS.

Art. 5. — Au bout d’une année de travail de Grand Garçon, il aura le droit de faire une bouteille à chaque braise. IL PAIERA POUR AVOIR CE DROIT CINQ FRANCS.

Art. 6. — Après avoir fait des bouteilles pendant six mois, aux braises, il aura le droit d’en faire en travaillant. IL PAIERA POUR AVOIR CE DROIT DIX FRANCS.

Art. 7. — En prenant place de Souffleur, IL PAIERA VINGT FRANCS.

Art. 8. — Les arrangeurs de bouteilles paieront pour apprendre dix francs. Pour prendre place, ILS PAIERONT VINGT FRANCS.

Art. 9. — L’argent perçu sera versé à LA CAISSE DU SYNDICAT.

Art. 10. — Tous les membres du Syndicat ayant connaissance du règlement sur les apprentis, celui qui le violerait serait, pour la première fois, RETARDÉ DE SIX MOIS DANS SON APPRENTISSAGE. A la deuxième fois, IL SERAIT RETARDÉ D’UN AN. A la troisième fois, IL PERDRAIT TOTALEMENT SES DROITS.

Art. Id. — Dans l’intérêt de la corporation, tous les membres du Syndicat s’engagent A NE PAS FAIRE DES APPRENTIS NON SYNDIQUES. Ils s’engagent, en outre, à faire respecter le présent règlement dans toute sa teneur.

Le règlement sera mis en vigueur à partir de ce jour.

Vu et approuvé par l’Assemblée générale le 17 janvier 1892.


On a vu le sens des expressions « cueillir du verre » et. « faire une paraison » ; on sait aussi ce qu’est une « braise », et nous pouvons apprécier les prescriptions syndicales. L’interdiction d’être gamin avant quatorze ans peut se prendre pour une mesure d’hygiène et d’humanité. Mais pourquoi, ensuite, ligotter ainsi l’apprenti ? Un enfant veut être verrier. Avant même d’avoir touché une canne, avant d’avoir gagné un sou, quand on n’a peut-être pas de pain chez lui, il doit passer d’abord à la caisse du Syndicat, et payer dix francs. Puis, pendant dix-huit mois, même s’il a commencé après quatorze ans, il doit s’arrêter dans son apprentissage. On lui défend, à lui apprenti verrier, d’apprendre son métier de verrier. Et de même pour le « grand garçon » ! Le syndicat l’empêche, pendant un an d’abord, ensuite pendant six mois, d’avancer dans son état. Et si le gamin, par hasard, a le malheur de s’essayer à une « paraison » avant un an, c’est-à-dire de faire tourner le feu au bout de la canne ? Six mois de retard ! Et s’il fait encore, un autre jour, tourner la canne une fois de trop ? Un an ! Qu’il s’oublie une troisième fois, et il ne pourra plus être verrier nulle part, puisque tous les verriers sont syndiqués, tenus de ne faire que des apprentis syndiqués, et de ne tolérer que des syndiqués. Trois tours de canne ou trois bouteilles de trop, et il faut changer de profession ou mourir de faim ! Il