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effet, quand il atteignit Frasnes, à la nuit tombante, avec ses troupes, le maréchal n’avait plus besoin d’elles.

C’est ainsi que le 1er corps se porta de l’aile gauche à l’aile droite, et de l’aile droite à l’aile gauche, sans seconder ni l’une ni l’autre. Le général comte d’Erlon commit la double faute de prendre une fausse direction et d’obtempérer à l’ordre de Ney nonobstant les instructions de l’Empereur. Toutefois, il n’est point seul responsable des résultats incomplets de la journée. Si l’Empereur n’avait un instant manqué de présence d’esprit, il aurait pensé que la colonne signalée sur son flanc pouvait bien être le 1er corps, et il aurait éventuellement prescrit à l’aide de camp envoyé pour la reconnaître de la diriger sur Brye. Mais c’est le maréchal Ney qui fut le premier et le principal coupable, car, s’il eût agi le matin comme le lui imposaient et les circonstances et les principes de la guerre, la marche de d’Erlon n’aurait pu s’opérer. Dès 8 ou 9 heures, Ney aurait dû avoir le 2e corps massé à Frasnes et le 1er corps concentré à Gosselies. Ainsi, à 11 heures, au reçu de l’ordre apporté par Flahaut, il eût attaqué les Quatre-Bras avec Reille et appelé à Frasnes les quatre divisions de d’Erlon. Bien avant 2 heures, il eût enlevé la position aux 7 500 Belges qui l’occupaient seuls encore. A 3 heures, avec ses 43 000 hommes il eût refoulé sans peine sur la route de Bruxelles les 7 000 Anglais de Picton et les 6 000 Brunswickois du duc Frédéric-Guillaume. A 4 heures, il aurait pu détacher plus de la moitié de ses forces sur les derrières de l’armée prussienne pour changer en désastre la défaite de Blücher.


Henry Houssaye.