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battre en retraite que lorsqu’ils eurent appris l’abandon de Ligny. Les Prussiens massés derrière la Haie gagnèrent à pas comptés les derniers sommets des coteaux, arrêtant par des retours offensifs la division Vandamme qui les voulait serrer de trop près ; leur arrière-garde se maintint à Brye jusqu’au lever du jour. Thielmann replia son corps en arrière de Sombreffe, qu’il continua d’occuper pendant la nuit par un fort détachement. A 9 heures et demie, on tiraillait encore sur la ligne Brye-Sombreffe.

L’Empereur rentra vers 11 heures à Fleurus où les 2e 3e et 4e chasseurs de la garde furent rappelés de Saint-Amand. Sauf ces trois régimens et les batteries de réserve, toute l’armée bivouaqua sur la rive gauche du ruisseau : le corps de Lobau, qui n’avait pas pris part à l’action, en première ligne, près du moulin de Winter ; le corps de Vandamme, en avant de la Haie ; le corps de Girard, la vieille garde et la cavalerie de la garde, devant Ligny ; les cuirassiers de Milhaud, à la droite de ce village ; la division Hulot et la cavalerie de Grouchy, entre Tongrinne, Potriaux et Sombreffe. Face à Brye et face à Sombreffe, les grand’gardes françaises se trouvaient à petite portée de fusil des grand’gardes prussiennes. On se sentait si près de l’ennemi que, bien qu’en seconde ligne, les grenadiers de la garde bivouaquèrent sans feu, par bataillons en carré.

Pendant la nuit, on commença à relever les blessés, mais les ambulances, en petit nombre et mal organisées, ne pouvaient suffire à la tâche. 15 000 Prussiens et plus de 9 000 Français gisaient blessés ou morts dans la plaine et dans les villages transformés en charniers.


IX

Pendant cette journée, l’Empereur avait envoyé huit dépêches au maréchal Ney. Mais, comme il l’a dit à Sainte-Hélène, « Ney n’était plus le même homme. » Le plus ardent des lieutenans de Napoléon, celui qui dans tant de batailles, nommément à Iéna et à Craonne, avait abordé l’ennemi avant l’heure fixée, était devenu circonspect et temporisateur jusqu’à l’inertie.

La veille, pris de scrupules stratégiques, le maréchal n’avait dirigé vers les Quatre-Bras qu’un détachement trop faible pour enlever cette position. Le matin du 16 juin, il ne fit rien qui pût réparer le temps perdu. En admettant qu’il crût devoir attendre,