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quatre jours, harcelés que nous fûmes du matin au soir par une nuée innombrable d’Arabes.

Enfin nous avons laissé bien des hommes, bien des voitures, bien des munitions en arrière, mais il était humainement impossible de faire autrement, et nous avons ramené une grande partie de notre matériel. La retraite s’est effectuée avec un grand ordre et nous pouvons répéter avec François Ier : Tout est perdu fors l’honneur. J’ai le bonheur d’être proposé le premier pour la décoration, j’espère que, malgré la non-réussite de l’expédition, l’armée qui a fait tout ce qu’elle a pu, qui a souffert avec une constance admirable tous les maux les plus cruels de la guerre, recevra des récompenses. J’ai recours, mon général, à votre bonté, pour faire appuyer ma proposition au ministère, vous avez une grande influence ; le Prince nous a parlé de vous avec une sorte d’enthousiasme.

Recevez, etc.


M. Dussert, sous-directeur des affaires civiles à Oran, au général de Castellane.


Oran, le 1 août 1839.

Mon général,

On a beaucoup parlé dans ces derniers temps de la rentrée de M. le maréchal Valée et l’on pensait même que l’expédition de Djidjelly n’aurait été faite que pour faire donner, avant son départ, les épaulettes de lieutenant-colonel à son gendre, M. le commandant de Salles.

L’expédition est venue, et l’épaulette aussi ; cependant, tout semble annoncer que M. le maréchal ne se dispose nullement à renoncer à son gouvernement. Il paraît que le ministère actuel continue en sa faveur le système de concessions adopté par le ministère précédent. Au surplus, le maréchal est diversement apprécié. S’il quittait l’Afrique, on regretterait certains côtés de son caractère, tout en se félicitant d’être débarrassé de certains autres. On lui reconnaît des qualités, une volonté ferme d’abord (chose très appréciable ici), et un esprit équitable. On lui reproche un défaut absolu de sociabilité et l’habitude de détruire tous les pouvoirs autour de lui, en voulant tout faire par lui-même ; c’est là un grand tort. Le métier d’un homme au pouvoir ne me semble