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êtes bien drôle, lui dira-t-elle, de mettre de l’amour-propre à notre amitié, et de vouloir qu’il n’en existe pas de semblable... au contraire, moi, je serais charmée que tout le monde fût heureux, et bien heureux. »

Aux occasions de rapprochement, déjà si fréquentes, s’en ajoute bientôt une nouvelle. Le prince de Condé, pour distraire ses loisirs, ne tarde guère à installer à Bourbon son passe-temps favori : le théâtre d’amateurs. Il use encore ici de ses détours ordinaires ; et ses lettres à Mme de Monaco nous donnent une comédie non moins plaisante sans doute que celles qu’il veut faire jouer : les médecins, alarmés de sa tristesse, et « craignant qu’à la longue l’ennui ne lui donnât la jaunisse », ont « fait cabale pour l’amuser » ; les femmes l’ont supplié de trouver une salle de spectacle et d’accepter un rôle ; de guerre lasse et « de peur de passer pour maussade, » il s’est laissé faire, par pure complaisance, et comme « un remède momentané à sa mélancolie ; » mais il éprouve, à vrai dire, un médiocre plaisir à jouer « avec des femmes qu’il ne connaît point et ne re verra probablement jamais, » et aux répétitions, il se montre « d’un froid » qui étonnerait bien sa maîtresse. Inutiles artifices ! Prudence superflue ! Mme de Monaco ne prend point le change, ne se paie pas de ces raisons ; elle soupçonne aussitôt quelque infidélité, se répand en phrases aigres sur « l’excellent moyen de se dissiper » imaginé par son amant. Vainement il proteste ; elle ne s’irrite que davantage ; si bien qu’il se fâche à son tour, et leurs lettres, dès lors, ne sont plus que reproches réciproques et récriminations virulentes.

Quant à la princesse Louise, malgré toutes les instances, elle a nettement refusé un rôle, « un peu par amour-propre, un peu par sauvagerie » : c’est la raison que donne son père. Mieux informés que lui, nous savons qu’elle a bien autre chose en tête. La Gervaisais, lui non plus, ne montera pas sur les planches. Mais il ne reste pas pour cela inactif : ses goûts littéraires s’éveillent, il se charge d’improviser une pièce de circonstance, dont l’action se passe à Bourbon-l’Archambault ; et il y peint naturellement — par allusions voilées, impénétrables aux profanes — ses propres sentimens et ceux de son amie. Il n’hésite pas à s’y mettre en scène, sous le nom transparent de Friendman. La princesse y figure également : certaine histoire de « bras cassé » la rend même si reconnaissable, qu’elle lui demande en grâce de supprimer ce dernier épisode. Car elle collabore à la pièce ; il la