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LA DERNIÈRE DES CONDÉ[1]

PREMIÈRE PARTIE

Les histoires les plus vraies sont souvent les plus tristes ; l’héroïne du récit qu’on va lire en est un remarquable exemple. Issue d’une illustre lignée, de cette glorieuse branche des Bourbons qu’elle aimait à nommer « la branche de laurier », la princesse Louise de Condé avait reçu à sa naissance tout ce qui semble promettre le bonheur : richesse, esprit, beauté, et le charme souverain qui fait pardonner tous ces dons. Peu de femmes cependant furent plus profondément et plus constamment malheureuses. Déçue dans tous ses rêves, frappée dans toutes ses affections, isolée dans un monde où elle ne fut jamais comprise, à ces souffrances intimes s’ajouta le poids lourd des catastrophes publiques. Elle vit s’écrouler autour d’elle sa fortune, ses dignités, le trône de ses ancêtres, et jusqu’à l’espoir de sa race. Mais elle ne faiblit point sous l’épreuve, et trouva, dans son âme pure et douce, des trésors insoupçonnés d’énergie et de vaillance. A la noble fierté de son cœur, on reconnut le sang qui coulait dans ses veines. Avec elle s’éteignit dignement le nom, grand entre tous, qu’elle fut la dernière à porter.

  1. Archives nationales. — Archives de Chantilly, de Beauvais. — Manuscrits de l’Arsenal. — Lettres écrites en 1786-87, etc.