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l’opposition unanime du Conseil des ministres, à laquelle, assure M. Jules Simon, se joignit celle de l’Impératrice.

Le double vœu de M, Duruy est, on le sait, aujourd’hui rempli. L’instruction primaire a été déclarée, par la loi de 1881, à la fois gratuite et obligatoire. La gratuité est effective, l’obligation à peu près nominale. Mais aux deux épithètes de cette formule consacrée, une troisième a été ajoutée à laquelle M. Duruy n’avait pas songé et, au moins dans l’interprétation abusive qu’on lui a donnée, n’aurait pas consenti. L’instruction laïque consistant dans la suppression de l’enseignement religieux du programme de l’école ; dans l’interdiction faite au prêtre d’y pénétrer à un titre et à une heure quelconques ; dans le refus de laisser aux populations l’éducation chrétienne là même où elles l’appellent, la réclament et la regrettent, n’aurait pas figuré dans une loi présentée en son nom. Quand un projet de ce genre lui fut connu, il en porta le jugement qui fut exprimé avec une émotion éloquente à la tribune du Sénat par votre secrétaire perpétuel, M. Jules Simon, et qu’a reproduit en son nom, dans votre dernière séance publique, le digne successeur que vous lui avez donné, M. Georges Picot.

Les sentimens de M. Duruy à cet égard étaient si positifs qu’il aimait à les faire connaître même à ceux qui auraient eu le moins de droit à en attendre de lui la confidence. C’est ainsi qu’il voulut bien m’en faire part dans une occasion qui n’amenait pas naturellement une explication de ce genre. Je m’étais permis, dans un écrit que je lui adressais, de présenter quelques observations sur le portrait qu’il avait tracé de l’empereur Constantin dans le dernier volume de l’histoire des Romains et dont des études personnelles me faisaient contester sur certains points la ressemblance. Il me répondit, dans une lettre que j’ai précieusement conservée, qu’au moins avait-il rendu à Constantin la justice de reconnaître qu’il avait opéré une grande révolution religieuse sans troubler la paix publique, et qu’il avait ainsi justifié le titre mis sur son arc triomphal : quietis custos. « Nous, ajoutait-il, qui sommes les témoins désolés de la laïcisation à outrance et de la guerre religieuse, avec quel bonheur ne verrions-nous pas un gouvernement qui prendrait pour devise : quietis custos ! » Puis la correspondance continua entre nous sur un point où j’avais tant d’intérêt à connaître son avis, et il m’apprit, ce que j’ignorais, que dans une circulaire adressée par lui aux quatre-vingt-neuf