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Simon nous dépeint, qui duraient souvent une ou deux heures par jour, et où l’Empereur et M. Duruy commençaient par parler de la vie de César pour finir par s’entretenir de tout autre chose. Au bout de quelques mois, César ne fut plus ni l’occasion, ni même le prétexte.

Les travaux du secrétariat amenaient d’ailleurs à traiter des sujets les plus variés, où M, Duruy faisait preuve en toute matière d’un rare mélange d’idées élevées et de sens pratique. Son avis donné avec une franchise qui contrastait avec la fadeur des louanges officielles, ne déplaisait pas. Sur quels points en particulier portèrent ces communications dues à une intimité croissante ? M. Duruy en profita-t-il pour appeler l’attention de l’Empereur sur un objet qui était tout à fait de sa compétence et qui lui tenait fort à cœur : sur les vices que son expérience lui avait fait reconnaître dans l’organisation de l’instruction publique en France et les moyens d’y porter remède ? Insista-t-il sur le devoir d’étendre plus largement les bienfaits de cette instruction aux classes populaires ? On peut le croire : car il y avait là toute une série de réformes à accomplir qui, bien qu’empreintes d’un esprit de libéralisme éclairé et même de hardiesse démocratique, ne portaient aucune atteinte au principe autoritaire de la Constitution de 1852 ; et l’Empereur dut, assez vite, reconnaître quel avantage il en pourrait tirer pour satisfaire ses aspirations de bien public et accroître la popularité de son règne, sans faire pourtant le sacrifice (auquel il ne se résolut qu’à regret quelques années plus tard) d’aucune de ses prérogatives personnelles. Dans ces termes, les projets de M. Duruy répondaient parfaitement à l’état présent de son esprit. Rien de plus simple, alors, que d’en confier l’application à celui qui les avait conçus. Ce fut le sens et le but de la nomination de M. Duruy au ministère de l’instruction publique.

De son côté, M. Duruy avait été de bonne heure très sensible à l’estime qu’on lui témoignait. Il s’étonnait d’être écouté avec une largeur d’esprit et une complaisance pour les idées généreuses auxquelles ne l’avait pas préparé le portrait qu’il s’était fait de l’auteur d’un coup d’État. Au bout de six mois de ce commerce journalier, il n’avait peut-être pas encore acquis toute la confiance qui lui faisait affirmer un peu plus tard aux jeunes lauréats du concours général que l’Empereur était l’homme le plus libéral de son empire, mais il était déjà disposé à faire tout ce qui