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vertus civiques, les dangereux enivremens du pouvoir absolu et cette absence de toute régularité dans la transmission du pouvoir qui faisait de chaque changement de règne l’occasion d’une crise sanglante et laissait le possesseur d’une autorité éphémère en butte aux menaces constantes des conspirateurs et des assassins. Il lui échappa même une fois de dire : « A Rome, pour devenir un Dieu sur terre, il n’y avait qu’une poitrine à percer » et de rappeler que d’Auguste à Constantin, quarante poitrines impériales furent ainsi percées. C’était une remarque qui devait faire réfléchir celui qu’avaient menacé si récemment les bombes d’Orsini ; mais l’Empereur pouvait penser avoir pourvu aux chances de l’avenir en rétablissant le principe de l’hérédité monarchique. D’ailleurs l’illusion qui flatte l’amour-propre est complaisante et on la dissipe moins aisément qu’on ne la fait naître.

Il y avait surtout une phrase de M. Duruy qui, si elle fut redite à l’Empereur ou commentée devant lui, dut le toucher au point sensible et dont il aurait fait volontiers, j’en suis sûr, une devise à graver sur l’écusson impérial, c’était celle-ci : « L’humanité avance, suivant les temps, autant par l’autorité d’un seul que par la liberté de tous[1]. » Il pouvait trouver dans ces trois lignes la justification de l’acte qui l’avait rendu maître du souverain pouvoir, et l’indication de la voie à suivre pour en faire noblement usage. Puisque cette autorité suprême remise aux mains d’un homme pouvait, suivant les circonstances, suffire à elle seule pour hâter le développement d’une société tout entière, il n’y avait, pour celui qui s’en trouvait investi à l’heure présente, qu’une voie à suivre, c’était d’en garder le dépôt intact, non pour le plaisir et l’orgueil d’en jouir, encore moins pour l’associer à des idées rétrogrades ou réactionnaires, mais comme un instrument énergique et fécond à mettre au service de la cause générale du progrès. Quoi de plus conforme aux penchans naturels d’un esprit qui avait toujours mêlé à ses visées d’ambition personnelle de généreuses chimères ?

Mais du moment où M. Duruy reconnaissait et même définissait si bien quel service peut rendre au bien général l’autorité d’un seul maître, l’idée devait venir assez naturellement de le consulter sur l’accomplissement des devoirs imposés par cette grande tâche. Ainsi s’expliquent les longues conversations que M. Jules

  1. Thèse sur l’état du monde romain, p. 236.