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III

La première surprise que réservent ces papiers de famille, c’est de découvrir que Thorane n’était pas la vraie forme du nom. Le commandant de Francfort s’appelait le comte de Thoranc ou Thorenc. Ce ne fut pas une mince affaire de constater que Gœthe s’était trompé[1].

Après le nom, les documens passés aux mains de M. Schubart permettent d’établir la généalogie. François de Théas, comte de Thorenc, descendait d’une ancienne famille, probablement étrangère. En lui trouvant l’air espagnol plutôt que français, le jeune observateur n’avait donc pas tout à fait tort. Le futur lieutenant de roi était le troisième enfant d’une famille nombreuse et peu opulente. Il fit ses études chez les Jésuites à Aix et à Marseille, et entra au service, à l’âge de quinze ans, en 1734. Il servit d’abord comme lieutenant au régiment de Vexin, avec lequel il fit la guerre en Italie. Le 1er mai 1758, il fut employé, comme aide-maréchal général des logis, dans l’année de Bohême et d’Allemagne, commandée par le prince de Soubise et le maréchal de Broglie. C’est en cette qualité qu’il prit part à l’occupation de Francfort.

Dans cette occupation un peu brusque de la ville de Francfort, le comte de Thorenc (nous l’appellerons ainsi désormais de son vrai nom) avait joué un rôle beaucoup plus important que les pages de Gœthe ne le donnent à penser. La place de lieutenant royal avait été la récompense de son initiative et de son habileté eu cette affaire. Il a rédigé lui-même la relation officielle et détaillée de ce coup de main. Voici comment il le raconte :

« A la fin de la campagne de 1758, M. le prince de Soubise, qui commandait notre armée en Allemagne, forma le projet de se rendre maître de Francfort, pour en faire sa place d’armes au-delà du Rhin. Il chargea M. de Vault, maréchal général des logis de son armée, d’aller dans cette ville examiner de quelle manière on pourrait la surprendre.

  1. Sur cette question du nom, cf. Revue de Marseille et de Provence, mars 1883, article de M. de Montgrand, et Revue critique, 17 septembre 1883, 14 juillet 1897, articles de M. Chuquet. Il y faut joindre maintenant un article de M. Schöne, dans la Deutsche Rundschau (novembre 1897). Thorenc, comme le fait remarquer M. Chuquet, est le nom d’un village, aujourd’hui disparu, au-dessus de Grasse, entre Cipières et Andon, sur la montagne de Thorenc.