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entrepreneurs de publicité responsables des dommages causés au public par des prospectus mensongers et des réclames d’une mauvaise foi insigne ? ou encore de demander, lors de la fondation des sociétés, la vérification du capital et des apports par des experts indépendans, désignés, au besoin, sur requête par le président du tribunal ? Ne pourrait-on, afin de rendre les assemblées d’actionnaires plus sérieuses et afin de déjouer les machinations des agioteurs, n’admettre à voter que les porteurs d’actions nominatives, ou exiger au moins des actions au porteur un dépôt de plusieurs mois dans les caisses de la société, de façon qu’il devînt plus malaisé, à un groupe de spéculateurs, de se composer, dans les assemblées générales, une majorité artificielle, au moyen d’hommes de paille pourvus d’actions qui ne font que passer par leurs mains et qui souvent même sont prises en report ? Qui empêcherait surtout, comme on le réclame, depuis des années, d’attribuer aux obligations, non pas une part de la direction de l’entreprise, mais un contrôle sérieux sur la gestion de ses affaires, de sorte qu’on n’ait plus le scandale de sociétés dont les actions ont perdu toute valeur effective, et dont les obligataires restent à la merci des décisions d’un conseil d’administration sur lequel ils n’ont aucune prise ?

Il serait aisé d’indiquer d’autres mesures également désirables, mais il suffit, ici, d’en mentionner quelques-unes. Si ces réformes et d’autres analogues, réclamées, depuis des années, par les économistes et par les financiers sérieux, restent toujours de vains desiderata, c’est que nos Chambres, absorbées par le souci de la popularité et fascinées par les réformes d’apparat, ont peu de temps et peu de goût pour les réformes pratiques. Et le jour où les querelles de portefeuilles et les interpellations oiseuses leur laisseraient le loisir de s’en occuper, il serait à redouter que le souci malsain de la réclame électorale ou la crainte pusillanime des déclamations socialistes fît tomber les Chambres d’un excès dans l’autre. Il ne faudrait pas en effet que, sous prétexte de réformer la loi sur les sociétés anonymes, on fit une loi contre les sociétés anonymes. S’il veut faire œuvre utile, le législateur doit se garder de traiter les hommes d’affaires en suspects, et les capitalistes en ennemis. Tout excès de défiance et de sévérité tournerait contre les intérêts du public. Certes, il importe de rendre les responsabilités effectives ; mais, pour cela, il faut, avant tout, qu’elles soient bien définies, que