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des bivouacs pour les différens corps d’armée était échelonnée de demi-heure en demi-heure, les troupes les plus rapprochées de la frontière ayant à se mettre en mouvement dès 3 heures du matin, les troupes les plus éloignées à 8 heures seulement. Douze régimens de cavalerie éclairaient la marche. Il était prescrit aux autres corps à cheval de cheminer à la gauche des troupes d’infanterie. Les sapeurs de chacun des corps d’armée devaient être réunis et marcher dans chaque corps après le premier régiment d’infanterie légère. Trois compagnies de pontonniers avec quinze pontons et quinze bateaux étaient désignées pour suivre immédiatement le corps de Vandamme ; les ambulances devaient se mettre en mouvement à la suite du quartier général. Il y avait ordre de brûler toute voiture qui se glisserait dans les colonnes et de ne laisser approcher, jusqu’à nouvel avis, à plus de trois lieues de l’armée les bagages et les parcs de réserve. Les généraux commandant les avant-gardes étaient tenus de régler leur marche de façon à rester toujours à la hauteur les uns des autres, de bien s’éclairer dans toutes les directions, d’interroger les habitans sur les positions ennemies, de saisir les lettres dans les bureaux de poste, de se communiquer mutuellement leurs renseignemens et d’adresser de fréquens rapports à l’Empereur qui serait lui-même avec la tête de la colonne centrale. Toute l’armée devait avoir passé la Sambre avant midi.

Cet ordre de mouvement est, avec justice, regardé comme un modèle. Jamais, aux heures fortunées d’Austerlitz et de Friedland, Napoléon n’avait dicté un dispositif de marche plus étudié ni mieux conçu. Jamais son génie n’avait été plus lucide, jamais il n’avait mieux montré son application au détail, ses larges vues sur l’ensemble, sa clarté et sa maîtrise de la guerre.

Les ordres par malheur ne furent point ponctuellement exécutés. Drouet d’Erlon prit sur lui de commencer son mouvement à i heures et demie, au lieu de lever ses bivouacs à 3 heures, comme cela était prescrit. Vandamme, qui devait partir à 3 heures, attendait encore à 5 heures passées les instructions du quartier impérial. La nuit, l’officier porteur de l’ordre de mouvement s’était cassé la cuisse en tombant de cheval et était resté inerte et isolé en pleine campagne. Vandamme ne fut prévenu de la marche de l’armée que par l’arrivée du corps de Lobau à l’arrière de ses bivouacs. Les troupes de Gérard, enfin, qui devaient également se mettre en route à 3 heures, se trouvèrent