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en raison de la multiplicité de ses lignes d’opérations, l’ennemi laisserait sur ses derrières 150 000 hommes pour assurer ses communications et assiéger ou masquer les places fortes, les quatre grandes armées n’auraient plus, en arrivant entre l’Oise et la Marne, que 420 000 combattans. À ces 420 000 hommes, Napoléon opposerait 200 000 soldats de forces mobiles et le camp retranché de Paris. Il recommencerait la campagne de 1814, mais avec 200 000 soldats au lieu de 90 000[1], et avec Paris fortifié, défendu par 80 000 hommes et ayant pour gouverneur l’habile capitaine d’Auerstaedt et d’Eckmùhl, le rude défenseur de Hambourg, Davout.

Le second plan, plus hardi, plus conforme au génie de Napoléon, au tempérament français et même aux principes de la grande guerre, mais terriblement plus hasardeux, était d’attaquer l’ennemi avant que ses masses fussent réunies. Au 15 juin, l’Empereur pourrait concentrer sur la frontière du Nord une armée de 125 000 à 150 000 hommes. Il entrerait en Belgique, y battrait tour à tour les Anglais et les Prussiens séparés, puis après avoir reçu de nouveaux renforts des dépôts, il ferait sa jonction avec les 23 000 hommes de Rapp et se porterait vers les Vosges contre les Austro-Russes.

Sans doute si l’Empereur n’avait eu à envisager que la question militaire, il aurait adopté le premier plan, dont le succès lui paraissait certain. Mais il n’avait plus sa liberté d’action de 1805 ni même de 1812. Il devait, lui chef d’armée, compter avec l’opinion publique. Quelle impression produirait dans le pays l’abandon sans défense de près d’un tiers du territoire, et précisément des provinces les plus patriotes et les plus dévouées à la cause impériale ! N’allait-il pas provoquer partout le découragement et la désaffection, porter jusqu’à l’hostilité le mauvais vouloir de la Chambre, étendre dans l’Ouest et rallumer dans le Midi les foyers d’insurrection ? L’Empereur sentait que, pour relever les cœurs et imposer aux mécontens et aux factieux, il faudrait, dès l’ouverture des hostilités, une victoire éclatante. D’ailleurs, s’abandonnant à ses coutumières illusions, il s’imaginait

  1. Pendant la campagne de France, Napoléon n’eut jamais plus de 90 000 hommes opérant entre l’Aisne, la Marne et l’Aube sous son commandement immédiat et sous celui de ses lieutenans Macdonald, Oudinot, Mortier et Marmont. A Brienne, l’Empereur avait 50 000 hommes ; à Champaubert, à Montmirail et à Vauchamps, 25 000 ; à Montereau, 40 000 : à Craonne et à Laon, 35 000 ; à Arcis-sur-Aube, 17 000 le premier jour, et 28 000 le second.