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REVUE. — CHRONIQUE.

ter plus au nord, et d’ailleurs, nous rencontrerions tout de suite Hong-Kong. En revanche, nos possessions indo-chinoises ont avec la Chine une longue frontière commune, et les voies de pénétration ne nous manqueront pas, dès que nous serons en mesure de nous en servir, pour étendre notre commerce et notre action politique dans les trois grandes provinces méridionales de l’Empire, qui sont au nombre des plus riches et des plus peuplées. Notre part sera suffisante, si nous savons l’utiliser. Quant à l’Angleterre, sa supériorité maritime lui permet de choisir son moment pour agir. Rien ne la presse, et ce n’est pas parce que l’Allemagne s’établit à Kiao-Tcheou, et la Russie à Port-Arthur, que sa puissance est sérieusement menacée. S’il est vrai que nos intérêts s’arrêtent à la rivière de Canton, l’Angleterre donnerait encore un grand développement aux siens en leur assignant comme limites extrêmes Hong-Kong et Shanghaï. Plus au nord viennent l’Allemagne, la Russie, et aussi le Japon, facteur trop important de la politique orientale pour pouvoir être oublié. Là, il y aura des luttes d’influences dont aucune des grandes puissances de l’Europe ne pourra se désintéresser, mais où quelques-unes n’auront à prendre que rarement une initiative directe, à moins que ce ne soit dans l’intérêt de leurs alliances et de leur politique générale. Il semble, par exemple, qu’en ce moment une certaine analogie d’intérêts rapproche l’Angleterre du Japon. On a même dit qu’une entente formelle avait été conclue entre les deux pays ; mais cela est peu probable. Il l’est beaucoup plus que l’Angleterre applique en Extrême-Orient les mêmes principes politiques qu’en Occident, et qu’elle ne s’y lie jamais par des contrats formels. Elle aime mieux garder sa liberté pour en user suivant les circonstances. Ces circonstances peuvent la déterminer à appuyer les prétentions du Japon sur la Corée. Le fait-elle en ce moment ? Est-il vrai, comme on le raconte, que le gouvernement de Séoul ayant en quelque sorte abdiqué entre les mains de l’agent de la Russie, des vaisseaux anglais auraient fait une démonstration menaçante à Chemulpo et déposé un ultimatum ? Est-il vrai que la flotte japonaise serait prête à soutenir au besoin cette démonstration ? Si ces faits étaient exacts, ils donneraient une idée assez inquiétante de l’état des esprits en Extrême-Orient. Mais ils sont peu vraisemblables. Ce qui, entre autres motifs, inspire des doutes à leur sujet, c’est que la Corée a perdu de son intérêt pour la Russie, depuis que celle-ci est dans le golfe de Liao-Toung et à Port-Arthur. La Russie pourrait, ce semble, s’entendre avec le Japon plus aisément qu’autrefois, et elle aurait tout intérêt à le faire, puisque le Japon et elle tiennent les deux