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long exil. Ils ont ramené le Passé dans leurs vers, et pour lui témoigner leur déférence, ils ne manquent pas de lui faire les honneurs de la majuscule. Les romanciers, aussi attentifs que jadis à la vie de leur temps, s’essaient pourtant à en sortir : MM. Paul et Victor Margueritte nous reportent dans notre histoire à vingt-cinq ans en arrière ; M. Rod, comme M. Pierre Loti, est frappé de voir de quel poids les races pèsent sur les individus d’un jour ; après M. de Vogüé, M. Bazin et M. Barrès s’unissent pour célébrer l’âme de nos vieilles provinces ; M. Rodenbach s’hypnotise dans la contemplation des villes mortes, M. Huysmans restaure les cathédrales, M. J. H. Rosny remonte jusqu’à la préhistoire. Non seulement les nouveaux venus se séparent de l’école abandonnée, mais ceux mêmes qui y ont été le plus intimement engagés ne veulent plus y avoir appartenu. Flaubert refusait l’appellation de naturaliste ; M. Daudet la repousse avec autant d’énergie. Il n’a jamais été naturaliste. Il l’a confié à son fils. Et son fils nous le confie à son tour dans un « Entretien » qu’il intitule simplement : Mon père et moi. Car dans une famille d’artistes rien ne doit rester secret et les confidences elles-mêmes, intéressant la cause de l’art, appartiennent au public. C’est le grand lâchage. Il a sa tristesse. C’est pourquoi, et toute réflexion faite, il faut plutôt savoir gré à l’auteur du Bilan littéraire de la pensée pieuse qui l’a sans doute guidé. Cet hommage d’un enthousiasme attardé sera doux à M. Zola, au moment où il semble douter de son œuvre et où, désespérant de fixer l’attention par les seuls moyens de la littérature, il se jette au travers des questions qui agitent l’opinion et s’installe dans les fonctions de « représentant de la conscience publique », restées vacantes depuis la mort du défenseur des Calas.


RENE DOUMIC.