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attachés par leurs antécédens, par leurs souvenirs, à la cause de la Révolution ou à celle de l’Empire, n’avaient pas renoncé à l’espérance d’un retour de fortune, s’avouaient maintenant vaincus et essayaient, comme le fit le duc de Rovigo, de se rattacher à un régime dont la durée leur paraissait désormais assurée.

« Le parti royaliste en était arrivé à un tel point de prépondérance que la question ne paraissait plus être s’il conserverait le gouvernement de la France, mais laquelle de ses fractions l’exercerait. Ce n’était plus, il le semblait du moins, que par lui-même, par ses divisions, par l’excès même de ses exigences qu’il pouvait être vaincu[1]. »


L’enthousiasme qui éclata à Paris, au moment du retour de M. le duc d’Angoulême, fut la première manifestation retentissante de ce mouvement d’opinion. Mais, de tout temps, les généraux victorieux ont vu les foules acclamer les triomphateurs et il n’y avait pas lieu d’en être surpris. Ce qui devait étonner davantage, c’était la défaite éclatante que les élections générales pour le renouvellement de la Chambre des députés allaient infliger aux anciens adversaires du gouvernement. A Paris même, trois députés seulement, n’appartenant pas au parti royaliste, furent élus. Manuel, dont il semblait que l’opposition tout entière dût avoir à cœur d’assurer la nomination, échoua au scrutin. Dans le reste de la France, les élections furent encore plus significatives. Les libéraux ne passèrent que dans quatorze arrondissemens. Dans deux cent trente-six, la victoire resta aux amis du gouvernement. Le général Foy fut, à la vérité, nommé à Paris et dans deux autres départemens ; mais on peut dire que les électeurs choisirent surtout en lui le patriote éprouvé, plus encore que l’ennemi de la Restauration. La France saluait surtout, dans cette noble figure, l’homme qui personnifiait à ses yeux, mieux qu’un autre, le talent oratoire mis au service de la cause nationale.

En résumé, les élections nouvelles furent un désastre pour l’opposition et, lorsque le roi Louis XVIII fît en personne et pour la dernière fois l’ouverture des Chambres, le 24 mars 1824, le parti royaliste pouvait se dire le maître du terrain parlementaire. Il ne dépendait que de lui de le conserver.

  1. Viel-Castel, tome XIII.