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cherchez plus après cela pourquoi le nom de M. Zola domine toute une époque, et rayonne sur « le monde ». Une dernière touche achève la peinture, et le détail est trop « joli » pour qu’on se tienne de le citer. « Vue de loin et dans son ensemble, l’œuvre de M. Emile Zola fait penser à celle de Pascal... » Le panégyriste ne se contente pas de donner en passant cette indication et de voir les choses de loin. Il insiste, il développe, et après avoir montré que les personnages de M. Zola sont des détraqués, des abrutis ou des idiots, il conclut : « Pascal n’a pas stigmatisé avec plus de force l’inconscience de l’homme, cet imbécile ver de terre, ce cloaque d’incertitude et d’erreur. » Le parallèle est imprévu, et je le crois inédit. Il méritait d’être signalé au compilateur qui écrira quelque jour un curieux chapitre sur l’art d’instituer des rapprochemens en littérature et de les faire servir à la confusion des idées.

Or, dans le temps de la primitive Église, ceux qui avaient baisé le bas de la robe des saints en devenaient pour les fidèles un objet de vénération. Il en va de même dans l’église naturaliste. « Il semble qu’on puisse passer sous silence les écrivains qui se sont inspirés des doctrines de ces maîtres et de leurs procédés. Et pourtant rien ne serait plus injuste que cet oubli, car il se trouve que ces écrivains sont eux-mêmes des maîtres. » vertu vraiment miraculeuse qui des disciples fait des maîtres ! Que les pieds de ces hommes sont beaux !... Le public, insouciant de sa nature, est volontiers d’accord avec les auteurs pour trouver que la critique excède ses droits dès qu’elle fait mine de n’y pas renoncer ; il n’est pas sans utilité de lui montrer de temps en temps quelle besogne devient la sienne quand elle choisit pour posture celle de l’agenouillement. Nous nous serions pourtant abstenus de contrôler à notre tour un « bilan » dressé de façon si partiale, s’il ne nous offrait l’occasion d’examiner un problème de littérature contemporaine. Nous ne songeons pas, au surplus, à rouvrir contre ce qui fut le roman naturaliste une campagne menée jadis ici même avec la vigueur que l’on sait, dans le temps où l’école semblait triomphante et en face d’un effort de réclame jusqu’alors inouï. On a montré, sans qu’il soit besoin d’y revenir, comment M. Zola et ses amis, par l’insuffisance de leur psychologie et de leur observation, par leur manque de sympathie humaine et de sens moral, par leur grossièreté de langage, ont failli compromettre la meilleure des causes. Mais nous voudrions insister sur une différence essentielle par où les naturalistes de 1875 s’opposent aux naturalistes de 1850. Il s’est fait, vers le milieu de ce siècle, dans l’esprit français vite lassé de