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REVUE LITTÉRAIRE

UNE APOTHÉOSE DU NATURALISME

Savez-vous pourquoi, depuis bientôt quatre siècles, tant d’écrivains originaux et tant de beaux génies ont travaillé à élargir le cadre de la littérature française ? Savez-vous pourquoi, de Rabelais à Montaigne, de Bossuet à Voltaire, de Racine à Victor Hugo, notre langue allait se modifiant sans cesse, gagnait plus de vivacité, plus de souplesse, plus de richesse, devenait capable d’exprimer plus d’idées et de représenter plus de choses ; pourquoi Jean-Jacques allait chercher dans les montagnes de la Suisse, Bernardin de Saint-Pierre sous les cocotiers de l’île de France, Chateaubriand dans les solitudes de l’Amérique et sur les rives du Meschascebé, le sentiment de la nature extérieure ; pourquoi les poètes découvraient l’Orient, les peintres découvraient la campagne, les critiques découvraient les littératures étrangères ? Mais savez-vous pourquoi les érudits s’enfermaient dans les bibliothèques et les savans dans les laboratoires ; pourquoi Michelet écrivait son Histoire de France, Tocqueville son Ancien régime, Fustel de Coulanges la Cité antique et Renan ses Origines du christianisme ; pourquoi Darwin formulait l’hypothèse de l’unité originelle des espèces, Herbert Spencer développait la doctrine de l’évolution,. Stuart Mill, Alexandre Bain et Maudsley fondaient la psychologie positiviste, Moleschott et Büchner rajeunissaient le matérialisme, et Claude Bernard jetait les bases de l’étude de la médecine expérimentale ? — C’était pour que M. Zola pût écrire l’histoire des Rougon-Macquart.

Cette façon d’envisager l’histoire des lettres et d’en déterminer le développement dans un sens étroit, mais précis, a toujours été celle de