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des matières extraites de son lit, en oubliant que malheureusement, à l’heure actuelle, ces alluvions sont un engrais.

Quant à la banquette placée le long de la rive gauche, au moyen d’apports empruntés au fleuve, et qui devait à jamais en séparer les propriétés, bouchant la vue et détruisant tout l’agrément de ces lieux, réputés pour leur agrément pittoresque, on omettait de dire qu’elle ne serait placée que sur la demande et aux frais du ministère de la guerre, comme un complément de la défense nationale, et dans ce cas nul ne songerait à s’y opposer. Ajoutons qu’en raison de la déclivité des rives, ni la vue, ni le pittoresque ne seraient modifiés, ni l’accès au fleuve intercepté. En réalité, les vrais, les seuls motifs de ces critiques étaient que certains intérêts, à Rouen et au Havre, se croyaient menacés ; que la batellerie craignait la concurrence des navires ; et que les ingénieurs de la navigation s’opposaient à ce que l’on modifiât leurs derniers travaux.

La ville de Rouen a tout d’abord prétendu que l’État ne pouvait pas autoriser l’ouverture du pont qui unissait à elle le faubourg Saint-Sever. Sans invoquer le texte d’une charte, vieille de six siècles, qui défendait à tous autres qu’aux marchands de Rouen de commercer par eau dans le royaume de France, la ville réclamait la prescription acquise par l’ancienneté de la construction du pont de pierre, et la nécessité d’une jonction ne faisant qu’une ville des agglomérations situées sur les deux bords du fleuve. Citons ici le texte d’une ordonnance royale de 1681 ayant encore force de loi et régissant la matière. « Il est défendu de bastir sur le rivage de la mer, d’y planter aucun pieu ni faire aucun ouvrage qui puisse porter préjudice à la navigation, à peine de démolition des ouvrages, de confiscation des matériaux et d’amende arbitraire. Des autorisations peuvent être données pour construire ces ouvrages, mais elles sont temporaires et révocables comme tout ce qui regarde le domaine public. » Or, le rivage de la mer comprend tout ce qu’atteint le flot de mars, c’est-à-dire qu’il dépasse de beaucoup le port de Rouen. A côté du droit, qui est formel, nous pouvons dire que les Parisiens supportent l’établissement du pont tournant de la rue de Crimée, séparant du centre de Paris des faubourgs plus peuplés que celui de Saint-Sever, et s’ouvrant chaque jour plus souvent que ne le feront les ponts de Rouen.

La batellerie et ses défenseurs ont cherché à prouver que le