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aux yeux de la postérité ses bonnes fortunes littéraires ou autres. Mais il est certain que les succès qu’il obtint pendant sa courte mission, et qui revenaient plus encore à l’auteur du Génie du christianisme qu’à l’envoyé du roi Louis XVIII, l’avaient constitué à l’état de persona grata à la cour de Berlin. Il eut ainsi l’occasion de remarquer plusieurs fois pendant son ministère combien la position personnelle d’un ambassadeur, surtout à cette époque, pouvait influer sur les rapports avec le pays dont il était le représentant. Voici, au surplus, la lettre du comte de Bernstorff, ministre des affaires étrangères du roi Frédéric-Guillaume, qui justifie pleinement cette appréciation.


« Berlin, le 18 octobre 1823.

« Monsieur le vicomte,

« Je ne saurais trop vivement remercier Votre Excellence de ce qu’elle a si bien senti qu’en me donnant, de sa main, l’avis si impatiemment attendu de la délivrance du roi d’Espagne, c’était en rehausser encore le prix. Ferdinand VII libre. Que de résultats dans ces trois mots ! Voilà donc Vérone justifié, une nouvelle gloire immortelle acquise à la France, le triomphe du système monarchique assuré et le ministère de Votre Excellence environné d’une splendeur qui répond si bien à l’éclat que son nom seul y avait déjà imprimé ; ce dernier intérêt est aussi devenu européen.

« Rien de plus inaltérable que la haute considération et le parfait dévouement avec lequel j’ai l’honneur d’être, etc.[1].

Signé : « BERNSTORFF. »


On voit par l’ensemble de ces documens à quelle valeur les cours étrangères avaient apprécié la politique du gouvernement français. L’Angleterre seule restait en dehors de ce nouveau concert européen. Son ministre, sous prétexte qu’il était accrédité auprès de Ferdinand VII, s’était enfermé dans Cadix avec les Cortès révolutionnaires, au lieu de suivre ses collègues auprès de la régence. L’ambassadeur d’Angleterre, sir Charles Stuart, étant venu parler à Chateaubriand, avec un ressentiment mal déguisé, de cette révolution des cours, notre ministres des affaires

  1. Congrès de Vérone, t. II, p. 205 et 206.