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n’en jugerait que par ce qui s’est passé dans le bassin de la Seine, en opposition avec la meilleure utilisation de ses cours d’eau.

Malgré cette détérioration de son état antérieur, la Seine rentre dans la catégorie des rivières que l’on peut pour ainsi dire domestiquer ; elle a peu d’apports. Dans la Loire, on voit à chaque coude un banc de sable sur la rive convexe. Les montagnes granitiques du Forez et de l’Auvergne envoient chaque année au fleuve une masse de matériaux qu’on estime à 1 500 000 mètres cubes, et qui font à chaque crue modifier son cours. Rien de pareil dans la Seine, la permanence du lit est presque absolue. Le Morvan, qu’elle traverse, est bien composé de terrains de granit, mais il est boisé, les pentes y sont relativement douces, et les détritus peu abondans. A partir du moment où elle aborde les terrains calcaires, elle ne peut que se teinter de leur poussière, dissoudre les lits d’argile intercalés, et faire rouler sur son lit quelques rognons siliceux. Les ingénieurs estiment que le cube des matériaux entraînés par le fleuve est de 200 000 mètres cubes, dont le tiers environ, restant en suspension, va à la mer ; une bonne partie de l’excédent est extraite pour servir aux constructions et à l’entretien des routes[1].

Cette condition, d’avoir peu d’entraînemens, permet d’appliquer à la Seine avec une certitude de succès toutes les améliorations que l’on pourra désirer. Si l’on construit des barrages, il est certain qu’ils n’amèneront pas l’exhaussement du lit du fleuve on amont d’eux. Les écluses, dans les crues, ne seront pas comblées par des alluvions ; on peut donc surélever les eaux presque au niveau des rives, c’est-à-dire rendre permanent, au moyen de barrages, la profondeur donnée par des crues qui ne débordent pas.

C’est là le travail qu’ont accompli les ingénieurs dans ces dernières années, et c’est ainsi qu’ils ont cherché à obtenir les 3m,20 de leur projet.

Il est un autre avantage qu’offre le lit du fleuve, en vue de sa transformation en un canal maritime : il ressort du levé exécuté en 1825. Dans la période géologique glaciaire, lorsque le débit de la Seine atteignait, s’il ne le dépassait pas, celui du Rhin, les

  1. Nous ne parlons pas ici des modifications provenant de l’envoi au fleuve des matières usées de la grande ville ; elles seront, il faut l’espérer, temporaires. Mais le lit de la Seine est tapissé, à l’heure actuelle, à partir d’Asnières, d’une couche épaisse d’une boue infecte, et le sable, provenant de la destruction du macadam, n’étant pas entièrement enlevé à la sortie de l’égout, vient former des seuils en différens points.