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l’ancienne loterie, du lotto de nos voisins d’Italie et d’Espagne, avec des tirages moins honnêtes et plus fréquens. Certes, la bienfaisance publique a le droit de tirer quelque revenu des petites baraques en planches dressées sur nos hippodromes ; mais le législateur s’est-il flatté d’arrêter par l’impôt la diffusion du jeu, il s’est trompé lourdement. En dépit de nos lois, il a donné au jeu et aux paris une sanction en quelque sorte officielle. On a supprimé, il est vrai, les piquets et les pancartes des bookmakers ; aux paris à la cote de courtiers suspects, on a substitué le pari mutuel, plus honnête assurément, mais qui n’en fait peut-être que plus de victimes ; car la garantie qu’il leur assure encourage les joueurs et augmente le nombre et le taux des paris.

Sur la pelouse de Longchamps ou d’Auteuil, il n’est plus besoin, comme à la Bourse, de couvertures de quelques centaines ou au moins de quelques dizaines de francs ; chacun peut jouer les sommes les plus minimes, sans même prendre la peine de se rendre sur le champ de courses. En se syndiquant, en se cotisant, l’ouvrier des faubourgs ou le gamin de Paris est maître de risquer ses 50 centimes sur un outsider qu’il n’a jamais vu, ou de perdre ses gros sous sur un favori recommandé par un petit journal. L’interdiction des agences de paris qui fonctionnaient dans les bouges et les cabarets n’a, nulle part, fait disparaître le mal. Dans les bas-fonds de Paris et de la banlieue des grandes villes, ont surgi des commissionnaires qui prennent des ordres pour les courses, allant relancer les cliens dans les cafés et parfois à domicile, sortes de remisiers de la pelouse qui offrent des combinaisons à partir d’un franc ou d’un demi-franc, et qui séduisent les commis, les collégiens, les ouvriers, les domestiques retenus à la maison par leur ouvrage. Voilà des courtiers dont la police ferait bien de surveiller l’industrie. Regardez, vers les cinq heures du soir, l’élan des camelots qui hurlent dans tous les quartiers de Paris « les résultats des courses. » On met, en vérité, bien moins de passion à colporter la cote de la Bourse à laquelle aucune fortune pourtant ne peut rester indifférente ; c’est que, malgré tous ses progrès, le jeu de Bourse n’est encore ni aussi accessible, ni aussi répandu, ni aussi passionnant.

C’est aux courses et aux paris du turf que ceux qui veulent mater la rage du jeu par des procédés fiscaux, à l’aide de taxes et d’impôts, pourraient, impunément, appliquer leurs doctrines. Au prélèvement de 7 pour 100, dont 3 pour 100 à l’État, opéré sur le