celles dont on ne parle pas, car, on l’a dit, il en est des sociétés honnêtes comme des femmes vertueuses et des peuples heureux : elles n’ont pas d’histoire.
Une société une fois constituée, il faut la lancer, en placer les actions. C’est, pour les gens de peu de scrupules, l’occasion d’abus peut-être encore plus fréquens. Ici apparaissent les courtiers de toute sorte, les agences de tout ordre, en un mot tous les parasites de la finance et de la presse. Les émetteurs emploient, vis-à-vis du public, les mêmes séductions que les racoleurs, autrefois, pour recruter les soldats du roi. C’est le triomphe de la réclame et du boniment. Pour amener des souscripteurs aux affaires suspectes, les bateleurs de la basse finance et les baladins de la presse jouent, devant le public, une sorte de parade, comme à l’entrée d’une boutique de foire. A la trituration des émissions prennent part des intrigans et des brasseurs d’affaires de toute espèce, auxquels les Américains donnent des noms variés et expressifs : le manipidator, le floater, l’inflator, l’expander, le puffer, le wire puller, le rigger, etc., toutes gens qui n’ont d’autre souci que de se faire chacun la part la plus large. Aussi nombre d’affaires n’arrivent-elles au public que surchargées d’une prime démesurée. On a vu à Londres, l’été de 1895, les titres de banques ou trusts sud-africains, titres d’une livre sterling, cédés à 2 livres à un syndicat qui les revendait 3 livres aux brokers du Stock Exchange, lesquels les introduisaient sur la place vers 4 livres. En une semaine, presque en un jour, avant d’avoir commencé aucune opération, telle banque passait par diverses couches de parasites et avait quadruplé. Naturellement, trois mois après, elle perdait plus de 60 pour 100 ; dix mois plus tard, ses fondateurs, pour la sauver, la fusionnaient avec une autre de leurs entreprises presque également majorée.
La grande préoccupation de tous les émetteurs d’affaires est la publicité. Elle est devenue très dispendieuse pour les entreprises les plus saines ; une notable part des frais de premier établissement passe au compte de publicité. Ici intervient la presse et, avec elle, apparaît un nouvel agent de corruption. Dieu nous garde de confondre, dans la même réprobation, toute la presse française ! La condamnation en bloc ne serait guère moins inique ici qu’ailleurs. Il ne nous en faut pas moins confesser que, en matière d’émission, la presse financière nous a donné des habitudes fâcheuses. Mais à quoi bon rappeler les répugnans abus mis au