Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 144.djvu/835

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cru devoir parfois les soutenir dans l’intérêt de l’industrie germanique. Ainsi, par exemple, pour les syndicats de métallurgistes.

De ce que ces pratiques américaines sont souvent condamnables, il ne suit pas qu’il faille réprouver toute entente des producteurs pour relever le prix d’une marchandise dépréciée, fût-ce une denrée de consommation générale. La concurrence peut amener une surproduction, par suite un abaissement excessif des prix qui menace toute une branche du travail industriel ou agricole, les ouvriers non moins que les patrons ; et, si les producteurs parviennent à se mettre d’accord pour limiter la production et réduire momentanément la vente afin de relever les prix, les derniers à leur en faire un crime devraient être les hommes qui gémissent sur les maux de la concurrence et de l’anarchie du travail. En Allemagne, par exemple, les kartells semblent bien être sortis des crises amenées par la baisse des prix ; et à quelques abus qu’ils aient conduit, ils paraissent bien avoir contribué au formidable développement de l’industrie et à la rapide expansion du commerce de l’Allemagne. Utiles ou nuisibles, licites ou illicites, les kartells et les trusts sont du reste plutôt le fait de la grande industrie que de la haute finance[1].


III

Entre tous les griefs de nos contemporains contre la finance, et contre la spéculation, il en est, à tout prendre, de plus légitimes que les monopoles et les accaparemens. Les plus sérieux se rattachent à la formation même des sociétés anonymes. Constitution du capital social, vérification des apports, avantages que se réservent les fondateurs, émission des titres, syndicats de garantie, c’est à la source même des affaires nouvelles que, en dépit des précautions de la loi, les abus sont les plus fréquens et les plus crians. La création des sociétés et le lancement des titres, ou, comme disent les Anglais, la mise à flot (flotation) des compagnies est, pour les forbans de la finance, l’occasion d’écumer les capitaux et de rançonner le public. Sur ce point,

  1. Sur les accaparemens en Amérique, voyez dans la Revue du 1er février 1897 une substantielle étude de M. Louis Paul-Dubois. — Cf. Kartells, Pools, Trusts, par M. Ch. Guernier, Annales de l’École des Sciences politiques, 15 juillet 1897. On trouve là une distinction entre les pools et les trusts, avec les causes de la préférence donnée, aujourd’hui, à ces derniers.