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comme à l’aventure et à grands coups d’éclat. Bonaparte avait eu le commandement de Paris, Sieyès le fit donner à Joubert. Bonaparte s’était fait un nom dans la République par la guerre d’Italie, Joubert reçut le commandement de l’armée d’Italie. Enfin Bonaparte avait fait un mariage brillant et politique dans le demi-monde de son temps ; Sémonville reparaît ici dans son emploi de grande utilité. Ce ci-devant courtier de Mirabeau, ce futur grand référendaire de la monarchie, se chargea de marier Joubert, et, par l’union qu’il lui procura avec une jeune fille charmante, de famille aristocratique, de réputation parfaite, lui donna accès dans la coterie qui s’apprêtait à redevenir le « monde », la société, après le coup d’Etat. ¬¬¬

VI

Le premier chapitre était la victoire, et ce fut la défaite qui survint. Joubert, à peine arrivé en Italie, voulut pousser à la Bonaparte. Avec 35 000 hommes, il attaqua, le 12 août, à Novi, Souvorof qui en avait 50 000. Dès le début de la journée, il fut tué. L’armée se défendit avec acharnement. Grâce à Moreau, qui commandait le centre, l’affaire ne tourna pas au désastre, et les Français purent se retirer sur Gênes, mais rompus, décimés, en grande détresse, en grand péril. Heureusement les Autrichiens arrêtèrent Souvorof. L’Empereur lui enjoignit de détacher 10 000 hommes pour pacifier la Toscane et la Romagne, c’est-à-dire pour les soumettre à l’Autriche. Souvorof s’y refuse, proteste à Vienne, proteste à Pétersbourg, envoie sa démission.

Les Français ne sont pas encore chassés de l’Italie, que les coalisés se la disputent. Le roi de Naples prétend avoir Rome, convoite des lambeaux de l’Etat ecclésiastique et médite d’occuper la ville, de s’emparer du château Saint-Ange, afin d’y devancer les Autrichiens. Thugut, toujours obsédé de la conquête des Légations, ne parle de rien moins que de supprimer le Pape : « chaque souverain, dit-il à lord Minto, pouvant de sa propre autorité se faire le chef de l’Eglise nationale, comme en Angleterre. » Le Saint-Siège, entrepris par ces deux catholiques, n’est plus défendu que par l’Anglais hérétique et par le schismatique Russe. Le roi de Piémont ne l’est par personne. Souvorof le rappelle ; mais le commissaire autrichien, Zach, déclare aux envoyés de Charles-Emmanuel que « le roi de Sardaigne n’a, pour le moment, rien à