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les Badois qui leur serviraient d’escorte. Le même jour, Merveldt fit ce rapport à Kospoth : « Gœrger a pris ses mesures, de sorte que si les hussards Széklers ne trouvent pas le nid vide, l’affaire ne ratera pas. »

Le 22, Barbaczy envoya un trompette au château de Rastadt, avec une lettre pour Albini, président de la députation de l’Empire : — Rastadt, disait-il, n’est plus le siège du Congrès, l’autorité militaire ne peut plus garantir la sûreté du corps diplomatique ; toutefois l’inviolabilité personnelle des diplomates sera respectée par les soldats autrichiens, sauf le cas de nécessité militaire. — Ce cas, selon la casuistique de Barbaczy, devait être précisément celui des ministres français, car il va de soi, qu’à la guerre, il n’est pas de nécessité plus urgente, de l’avis de tous les auteurs et selon la pratique de tous les temps, que de prévenir, déjouer, punir les manœuvres des ennemis. Les diplomates allemands, qui savaient lire entre les lignes, décidèrent de plier bagage et annoncèrent aux Français leur prochain départ. Ils ajoutèrent vraisemblablement, en bons collègues, quelques avis obligeans et quelques avertissemens utiles, car les Français demandèrent aussitôt leur rappel. Ils virent passer Trouvé, chassé de Stuttgart, et qu’une escorte accompagnait à la frontière. « Nos plénipotentiaires, dit un contemporain, enviaient par une sorte de pressentiment la priorité de cette expulsion offensante. » Mais l’ordre du Directoire était impératif. Bonnier, De Bry et Roberjot n’osèrent pas encore partir.

Les patrouilles de hussards, qui parcouraient les environs de la ville, arrêtèrent des promeneurs, et, dans le nombre, plusieurs ministres accrédités au Congrès. On leur demanda s’ils étaient Français, et, sur leur réponse négative, on les renvoya dans la ville. Le 25, le courrier Lemaire, de la légation républicaine, fut pris et dépouillé de ses papiers. L’archiduc qui reprenait, ce jour-là même, l’exercice du commandement, manda à Kospoth d’envoyer Barbaczy à Rastadt, de sommer les Français d’en sortir dans les vingt-quatre heures et de mener le tout « avec toute la prudence et la dextérité possibles. » Cette prudence n’allait point jusqu’à inviter Barbaczy à faire escorter De Bry, Bonnier et Roberjot jusqu’à la frontière, ainsi qu’on l’avait ordonné pour Alquier, Bacher et Trouvé ; c’était à la « dextérité » de Barbaczy de saisir la nuance. Quant aux papiers, l’archiduc montra l’intérêt qu’il y prenait, en se faisant envoyer ceux du courrier