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de ces agens, il était nécessaire de se procurer la preuve de leur connivence avec les républicains. L’Autriche, du même coup, confondrait les ministres des petites cours suspects de pactiser avec l’ennemi, ferait scandale de leur trahison et réduirait, par la peur, leurs maîtres à merci. Rien ne parut plus expédient, en ces occurrences, que de sommer, militairement, les diplomates français de quitter Rastadt, de leur tendre, sur la route, quelque embuscade, de les y attirer par un insidieux malentendu, de saisir leurs papiers, et, pour bien marquer que l’aventure n’avait rien de concerté ni d’officiel, de les faire houspiller lourdement et détrousser à fond, ce qui démontrerait à l’Europe, d’ailleurs fort endurcie et indifférente, que ces grossiers procédés ne pouvaient être l’acte que de maraudeurs ou de brigands, aussi faciles à désavouer que difficiles à poursuivre.

Ce ne serait pas méconnaître Thugut que de lui attribuer ce dessein ; mais ce serait, paraît-il, le calomnier, car on n’a point de preuves. Tout indique, au contraire, que cet état d’esprit régnait autour de l’archiduc Charles. Ce prince fut pris d’une crise de la maladie nerveuse à laquelle il était sujet ; elle le força à abandonner, du 14 au 25 avril, l’exercice du commandement. Le général Schmidt le suppléa. Cet officier écrivit, vers le 15 avril, au lieutenant-colonel Mayer de Heldensfeld, chef d’état-major du général Kospoth, commandant de l’avant-garde, une lettre où il dénonçait, avec l’emportement de sa haine et de son mépris pour les républicains, la conduite hostile des Français, à Rastadt, leur espionnage, leurs complots avec des agens accrédités en Allemagne ; il exprima l’opinion qu’on en trouverait la preuve dans leurs papiers, le vœu qu’on s’emparât de ces papiers, qu’on arrêtât les courriers français, peut-être même les ministres. Etaient-ce des insinuations, étaient-ce des ordres ? Comme les discours de Schmidt étaient conformes à l’intérêt de l’état-major et répondaient aux passions des officiers, le colonel Mayer les interpréta, très volontiers, comme des instructions, et les transforma en mesures formelles d’exécution.

Les environs de Rastadt furent occupés par les hussards Széklers, troupe sauvage et pillarde, dont le colonel, Barbaczy, était connu pour un homme de main, brutal, exécrant les Français. Il écrivit, le 18 avril, à son général, Gœrger, qu’il avait reçu des ordres secrets, et qu’il avait pris toutes ses mesures pour expulser les ministres français ; il demandait s’il devait traiter en ennemis