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justice ; mais, si elle ne peut jamais manquer à sa propre dignité, elle doit encore fidélité aux traités qui la lient aux puissances. Or, le délit commis sur nos frontières est prévu dans le procès-verbal du casus fœderis : 1o  invasion du territoire français ; 2o  tentatives faites pour ébranler la fidélité des sujets de Sa Majesté.

« Vous garderez entre vos mains les pièces que j’ai l’honneur de vous transmettre. Nous n’en sommes plus au temps des demandes en réparation. On vous promettrait ce qu’on ne pourrait tenir et l’impunité ajouterait à l’outrage. »

Le ton de cette lettre annonçait des mesures énergiques. Le 18 janvier 1823, M. de La Garde reçut de Chateaubriand l’ordre de demander ses passeports. Sa lettre de rappel, également inédite, est ainsi conçue :

« Sa Majesté Très Chrétienne dans sa sollicitude pour la prospérité de la nation espagnole et la félicité d’un pays gouverné par un prince de sa propre famille, avait désiré que son ministre pût rester à Madrid après le départ des chargés d’affaires d’Autriche, de Prusse et de Russie ; mais ces derniers vœux n’ont pas été écoutés ; sa dernière espérance a été déçue. Le mauvais génie des révolutions, qui pendant si longtemps a désolé la France, préside aux conseils de l’Espagne. Nous en appelons au témoignage de l’Europe. Qu’elle dise si nous n’avons pas tout fait pour conserver avec l’Espagne des relations qu’avec le plus vif regret, nous sommes forcés d’interrompre. Mais maintenant que tout espoir est éloigné, maintenant que l’expression des sentimens les plus modérés ne nous attire que de nouvelles provocations, il ne peut convenir à la dignité du Roi et à l’honneur de la France que vous restiez plus longtemps à Madrid. En conséquence, le Roi vous ordonne de demander vos passeports pour vous-même et toute votre légation et de partir sans perdre de temps aussitôt qu’ils vous auront été remis.

« Vous êtes autorisé à donner copie de cette lettre à M. de San Miguel en lui demandant vos passeports. »

M. de Villèle avait enfin pris son parti de faire la guerre, mais jusqu’au 27 janvier, veille : de l’ouverture de la session, « on ignorait encore, nous dit M. de Viel-Castel, ce que contiendrait le discours du trône, et le secret qu’on gardait à ce sujet causait quelque inquiétude aux députés de la droite. » Louis XVIII fit, le 28 janvier, en personne l’ouverture des Chambres. Dans son discours se trouvaient ces paroles bien connues sur les affaires