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« J’ai refusé pendant quatre jours le portefeuille des Affaires étrangères, tant parce qu’il sortait des mains d’un homme que j’estime et que j’honore, que parce que, dans le moment actuel, le fardeau des choses publiques me semble trop pesant pour moi. Je n’ai cédé, que quand le Roi m’a envoyé chercher et m’a donné l’ordre de lui obéir.

« Ainsi, monsieur le comte, ma nomination ne doit pas faire supposer aux révolutionnaires de Madrid que je suis moins ennemi de leurs principes que mon digne prédécesseur. J’ai été d’avis, à Vérone, puisqu’on voulait prendre une mesure, qu’on retirât simplement de Madrid les ambassadeurs sans autre déclaration verbale, étant grand ennemi de ces factums diplomatiques qu’on peut toujours réfuter et qui vous mettent aux prises avec toits les journalistes d’un parti.


« Je vous invite donc, monsieur le comte, à élever votre ton au lieu de l’abaisser. Ne souffrez aucune insulte. Réclamez hautement, énergiquement à la moindre parole attentatoire à la dignité de la France. Si on veut venir à vous, écoutez ; mais ne vous faites pas repousser en allant vous-même au-devant de ces hommes qui prennent les conseils de la raison pour ceux de la faiblesse. Vous connaissez le procès-verbal de Vérone où sont définis les cas de guerre. Vous avez, en outre, des instructions particulières qui prévoient les différens cas où vous devez demander vos passeports. Soyez toujours prêt à partir, ces cas advenant. Faites bien entendre qu’une bienveillance particulière de notre souverain envers l’Espagne peut seule nous faire restera Madrid après le départ des ministres de Russie, d’Autriche et de Prusse, mais que vous ne tarderez pas à les suivre si l’Espagne n’a pas recours à vous comme à sa dernière espérance. Il faut qu’on remarque dans votre air et dans vos paroles une fermeté qui annonce que la France ne se sépare point de l’alliance continentale et qu’elle saura avoir recours à des mesures plus efficaces, si ceux de la persuasion venaient à échouer. Je viens d’écrire à M. Canning, qui est mon ami, une lettre particulière. Je tâche de lui faire sentir la nécessité d’engager sir William A. Court à décourager par ses propos les espérances de la révolution, mais je ne me flatte pas que des intérêts d’un ordre général balancent les intérêts d’un ordre particulier. Je vous engage à vivre en bonne intelligence avec votre collègue anglais, sans toutefois faire naître la pensée