Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 144.djvu/73

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’adoption d’une ligne de conduite bien arrêtée, il y eût convenance à mon départ. Il me répondit : « Je crois que vous avez parfaitement raison », et nous nous séparâmes.

M. de Villèle, ajoute l’auteur de ces notes, en se refusant à l’exécution des engagemens pris à Vérone par M. de Montmorency, avait été mû par un double sentiment.il n’aimait en M. de Montmorency ni l’homme opposé à son système politique, ni même le grand seigneur que sa naissance plaçait en quelque sorte en tête du ministère. Les hommes d’Etat cherchent ordinairement à s’environner d’un entourage qu’ils puissent dominer. La présence de M. de Montmorency gênait visiblement M. de Villèle. Une question extérieure aidant, il fut bien aise de l’éloigner.

Mais la démission de M. de Montmorency, qui semblait décider la question du maintien de la paix, car c’est dans ce sens qu’elle fut généralement interprétée, souleva une formidable opposition de la part des royalistes, chez lesquels on s’était habitué depuis longtemps aux idées de guerre. Les députés, réunis à Paris pour l’ouverture de la session, manifestaient avec vivacité leur désappointement. Les collèges électoraux, convoqués pour un renouvellement partiel de la Chambre, venaient d’y envoyer des députés presque exclusivement royalistes, dont la plupart appelaient hautement la guerre. L’un d’eux, M. Garnier-Dufougerais, se rendit l’interprète du sentiment commun dans une lettre rendue publique, où il se prononçait avec force pour l’intervention et regrettait vivement le départ de M. de Montmorency. Cette réprobation générale du parti royaliste semblait frapper la politique personnelle du président du conseil. « Villèle, disait M. de Clermont-Tonnerre, ministre de la marine, a été terrifié du vide qui s’est fait autour de lui. » Avec son tact ordinaire, il comprit qu’il devait s’appuyer au plus tôt sur un homme qui fût apprécié de l’empereur Alexandre, sans s’être engagé vis-à-vis de lui comme M. de Montmorency par un accord formel, et pût grouper autour de lui les fractions dissidentes du parti royaliste. Chateaubriand réunissait ces conditions. La nomination fut décidée. Le lendemain du jour où sa nomination parut au Moniteur, M. de Gabriac se rendit chez le nouveau ministre pour lui faire part de la conversation qu’il avait eue, le 25 décembre, avec M. de Villèle. Il le trouva avec le duc de Rauzan, dans tout le désordre d’une nouvelle installation, et lui rendit compte de l’entretien qu’il avait eu l’honneur d’avoir avec le président du conseil.