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Russie. Le comte Goluchowski a-t-il donc fait avec le comte Mouravief une de ces contre-assurances que M. de Bismarck a rendues célèbres par de retentissantes divulgations ? Non, sans doute ; un des caractères de ces contre-assurances est qu’on en parle le moins qu’on peut ; on les garde pour soi, comme un supplément de garanties, sans en faire montre à côté de son principal allié. Évidemment, le comte Goluchowski n’a rien à cacher. Il s’exprime très ouvertement, sans aucune précaution de langage, sur les rapports plus intimes qui se sont établis depuis quelque temps entre les deux empires austro-hongrois et moscovite. Cette politique paraît dater de la visite que l’empereur François-Joseph a faite il y a quelques mois à l’empereur Nicolas. Les grandes lignes en ont été sans doute tracées dans les entretiens de Saint-Pétersbourg. Elle s’est manifestée, pendant la guerre gréco-turque, par l’action commune des deux gouvernemens impériaux sur les petits royaumes et principautés des Balkans. Leur parfait et loyal accord, conforme d’ailleurs aux vues générales de l’Europe, a contribué pour beaucoup à localiser la guerre, par le conseil donné à la Bulgarie, à la Serbie, au Monténégro, et même aux provinces ottomanes où existaient des fermens révolutionnaires, de rester prudemment en dehors des hostilités. C’est ce qui est arrivé. Toutes les puissances ont tenu le même langage, et chacune d’elles a son mérite dans le résultat obtenu ; mais la proximité plus grande de la Russie et de l’Autriche, aussi bien que le patronage historique que l’une et l’autre exercent sur divers points des régions balkaniques, devaient assurer à leur intervention plus de poids et d’efficacité. C’est là, sans doute, qu’il faut chercher l’origine du rapprochement avoué aujourd’hui entre Vienne et Saint-Pétersbourg. Personne ne peut en prendre ombrage, et nous moins que qui que ce soit. Peut-être le changement de ministère qui s’est produit il y a quelques semaines à Belgrade, et qui a permis à l’influence autrichienne de reprendre en Serbie une place qu’elle avait momentanément perdue, est-il une des conséquences de cet accord. En tout cas, la Russie n’en a manifesté aucun mécontentement. La reprise dans les Balkans d’une politique plus active, une attitude plus ferme et plus résolue à l’égard de la Porte, une aisance plus grande dans tous ses mouvemens, tels sont les résultats assurément heureux pour l’Autriche-Hongrie de la direction que le comte Goluchowski a donnée aux affaires. Et, chose remarquable, son discours, — il a tenu à peu près le même devant la Délégation hongroise d’abord et ensuite devant la Délégation autrichienne, — n’a pas été moins bien accueilli par la première que par la seconde,