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assez grand nombre de ses journaux sont de cet avis. D’autre part, si le gouvernement du Céleste-Empire lui donne toutes les satisfactions qu’elle a demandées, il lui sera peut-être difficile de conserver plus longtemps un gage en sa possession. Il est vrai que les scrupules, en pareille matière, ne l’ont pas gênée beaucoup dans le passé. L’empereur Guillaume ne rêve que marine et colonies : la tentation sera grande pour lui de rester à Kiao-Tchéou. Un fait récent peut fournir à cet égard une indication qui n’est pas sans intérêt. On sait que l’Empereur a retiré de Crète les troupes qu’il y avait envoyées, et qui s’élevaient bien à une dizaine d’hommes. Le départ de ce contingent minuscule a même produit une certaine impression, parce qu’on s’est demandé si l’Allemagne, en se détachant des autres puissances, avait l’intention de distinguer encore plus sa politique de la leur ; heureusement on a affirmé tout de suite qu’en même temps qu’un navire allemand embarquait les troupes de la Canée, un autre navire allemand partait de Hambourg pour y en conduire de nouvelles. Alors, tout est bien. Mais, où est allé le petit corps expéditionnaire germanique en quittant la Crète, et quel but lui a-t-il été assigné avec une telle urgence qu’il n’a pas même pu attendre d’être relayé ? Il est allé, paraît-il, en Extrême-Orient. On l’a fait partir de la Canée, au lieu de Hambourg, à cause de la proximité plus grande. Il faut croire que l’empereur Guillaume a des desseins considérables dans les eaux chinoises, puisqu’il ne lui paraît pas indifférent d’y envoyer dix hommes de plus, et de leur assurer quelques jours d’avance. La Crète l’intéresse moins, et, à la manière dont y vont les choses, on se l’explique sans peine. Il sera curieux de surveiller ce qui se passe dans l’Extrême-Orient, et de constater les impressions diverses qu’en éprouveront les autres puissances. Jusqu’ici, les impressions anglaises ont été plutôt favorables. Le précédent créé par l’Allemagne n’a pas déplu à Londres, et il n’est pas très difficile de deviner pourquoi.

Nous sommes d’ailleurs dans une période d’énergie. Ce n’est pas seulement l’Allemagne qui vient d’en faire montre à l’égard de la Chine ; l’Autriche a suivi cet exemple à l’égard de la Turquie, à moins qu’elle ne l’ait donné la première. Quand les puissances sont incorporées dans le concert européen et opèrent avec lui, en réalité elles opèrent infiniment peu, et il est quelquefois difficile de mesurer leur action, tant elle est insensible. Elles se mettent à six pour ne rien faire. Mais quand l’une reprend possession d’elle-même et agit en son nom personnel, elle retrouve toute la liberté, toute la vivacité de ses mouvemens, et elle en use, et elle obtient des résultats. Un agent