de nouveau se préparait, à coup sûr, mais sans que personne pût en deviner encore la nature, ni les caractères.
Deux ans se sont passés depuis lors, et le changement que nous attendions s’est, en effet, produit. Mais, hélas ! ce changement n’avait rien d’une renaissance ! Le nombre des livres s’est accru, et le nombre des auteurs. On s’est essayé à de nouveaux genres et à de nouvelles formules. Mais non seulement le vieux génie latin ne s’est pas réveillé : on dirait même que nul ne s’attarde plus à espérer son réveil. Des divers programmes exposés dans les interviews de M. Ojetti, en vain on en chercherait un qui se soit réalisé. La littérature italienne n’est devenue ni plus plastique, ni plus philosophique, ni plus cosmopolite, ni plus italienne. Et si l’on ne saurait nier qu’elle ait énormément changé, les critiques même les plus optimistes sont contraints d’avouer qu’elle n’eût guère perdu à rester ce qu’elle était.
Le changement qu’elle a subi est, d’ailleurs, difficile à bien définir. Et peut-être, si fâcheux qu’il soit, a-t-il eu surtout pour cause un fait des plus heureux : la reconnaissance, désormais unanime et incontestée, du remarquable talent de M. d’Annunzio. Car le temps n’est plus où les écrivains italiens refusaient à l’auteur du Triomphe de la Mort le droit d’être des leurs, et, dédaigneusement, nous reprochaient de le prendre au sérieux. Personne ne songe plus même à lui opposer M. Verga, ni M. Fogazzaro, honnêtes et consciencieux conteurs qu’une telle comparaison ne pouvait qu’amoindrir. On s’accorde enfin à le tenir pour un artiste merveilleusement doué, original jusque dans l’imitation, hardi et charmant, et tout imprégné, en outre, du génie latin. Quels que soient les défauts de ses livres, leur grâce est la plus forte ; et on ne lui demande plus que d’en écrire de nouveaux.
Il n’en écrit point, cependant, amusé sans doute par d’autres projets. Les Vierges aux Rochers attendent toujours leur suite, et c’est à peine si, depuis deux ans, il a publié autre chose qu’un petit poème dramatique d’une vingtaine de pages. Mais tandis qu’il se repose, son influence croit et s’étend autour de lui, de telle sorte que pas un roman italien ne paraît plus, désormais, qui n’en soit rempli. Jeunes et vieux, tous ses confrères la subissent, souvent à leur insu. Ils imitent ses sujets, son style, ses artifices poétiques. Ils imitent même ses imitations ; et l’on voit repasser dans leurs livres, revêtues de la forme spéciale qu’il leur a donnée dans les siens, les théories philosophiques