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accordé au nord et à l’est. Leur objecte-t-on que ces réseaux enviés sont aussi stratégiques que commerciaux ; elles font valoir, et avec raison, la nécessité d’approvisionner nos ports de l’ouest de charbon français, de transporter à bas prix canons, plaques de blindage, chaudières, tous les produits métallurgiques en un mot, du Creusot, de Saint-Etienne, de Saint-Chamond, à Rochefort, à Saint-Nazaire, à Indret, à Lorient, à Brest, sans compter nos établissemens de Châtellerault, Bourges, Nevers, Guérigny ; de fournir, en temps de guerre, quand les wagons seront réquisitionnés pour la mobilisation, une excellente voie entre les ports océaniques ouverts à l’importation étrangère, les riches pays agricoles de l’ouest et la région menacée de l’est. La France entière gagnerait à rendre la Loire navigable.

Mais elles ne lui demandent pas toute la dépense. Les Marseillais offrent de payer la moitié de la construction du canal entre leur ville et le Rhône. On se résoudrait ici au même sacrifice, on irait même au delà. Quinze départemens supporteraient la dépense : ils contracteraient, en commun, un emprunt (comme ont fait ceux de Lorraine pour le canal de l’Est), et sans percevoir aucun droit de navigation, sage résolution, en verseraient les intérêts. S’ils devaient, réunis avec les chambres de commerce, les syndicats agricoles, industriels, verser même 80 millions, l’intérêt serait, au taux probable de 3,75 pour 100, de trois millions ; soit deux cent mille francs en moyenne par département ; or, plusieurs sont très riches, et la plus-value du trafic serait bien vite compensatrice[1].

Que la question financière n’épouvante donc pas les contribuables. Elle se posera prochainement à leurs représentans. La campagne est menée rondement par les intéressés. C’est en 1892, que le conseil général de la Loire-Inférieure émit un vœu en faveur du rétablissement de la navigation entre Nantes et Angers. Dans les deux villes, la presse le soutint et demanda l’amélioration de Nantes à Orléans. Le 9 décembre 1893, un groupe d’études se formait à Nantes ; en avril 1894, deux autres à Angers et Saumur. Le 5 janvier 1895 , les premiers souscripteurs élurent le comité définitif ; les conseils généraux de Loire-Inférieure, Indre-et-Loire,

  1. Il suffirait, pour cela, d’un abaissement de 0 fr. 015 par tonne kilométrique dans les prix de transport, et d’un mouvement de 200 000 000 tonnes kilométriques : le roseau navigable de la Loire ayant 1 000 kilomètres, il faudrait seulement une circulation moyenne de 200 000 tonnes par kilomètre.