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les produits de ce pays, tous lourds et encombrans, pourront circuler à bas prix, et le commerce vivifiera une région, qu’on dit apathique en oubliant qu’on lui a refusé des voies d’eau et parfois donné des lignes ferrées à voie unique. La Bretagne alors, les vallées de la Seine, du Rhône, de la Garonne seront liées d’intérêt à celle de la Loire.

L’étranger même sera atteint. Par la Seine et le Rhône, la Loire communique avec la Belgique, l’Allemagne occidentale et la Suisse. Le premier de ces pays lui échappera toujours. Mais le Rhin moyen, l’Alsace, seraient accessibles à ses bateaux. De Bâle, il y a aussi loin au Havre qu’à Nantes ; l’ouverture d’une courte voie navigable entre Marcilly et Vitry-le-François donnerait une route presque directe de Nantes à Strasbourg. Quant à Lyon, Nantes est, pour lui, le port atlantique le plus rapproché. Il est donc très probable que l’amélioration de la Loire attirerait à nos ports le commerce d’une partie de la Suisse et de l’Allemagne. Or on sait que, non seulement ces pays leur échappent aujourd’hui, mais que le nord et l’est de la France sont tributaires des ports belges et hollandais. Renverser en partie la situation, donner à l’est un nouveau débouché vers l’Océan, faire revenir l’Alsace dans notre dépendance économique, quel souhait !

Beau rêve, dira-t-on : l’étranger ne saurait être atteint. Mais si la France y trouvait avantage, il vaudrait déjà la peine de tenter l’entreprise. Qu’on s’en réjouisse ou s’en chagrine, la protection est notre régime commercial ; nous devons, autant que possible, consommer nos produits ; il faut les faire circuler chez nous au plus bas prix possible. La logique du système l’exige. Si les libre-échangistes refusaient de s’associer à une pareille œuvre, c’est que leur vrai but ne serait pas de permettre au consommateur, à l’industriel d’acheter à bon marché, mais de faire fortune en important des produits étrangers, concurrens de ceux de France.

S’il est pécuniairement impossible d’achever dès à présent tout le réseau de la Loire, on ne peut renoncer à améliorer le fleuve lui-même. Au nom de la légalité, les populations riveraines réclament l’exécution de la loi du 5 août 1879 ; au nom de l’équité, qu’on fasse un peu pour elles de ce qu’on a si généreusement