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guère : c’est la seule région où les voies navigables transportent de un à cinq millions de tonnes.

Ajoutons qu’une foule de circonstances, plus connues des commerçans que des économistes, augmentent les frais du transport par la voie ferrée. Un exemple entre mille : expédiez-vous des bois ? S’ils sont plus longs qu’un wagon (6m,50). on en attelle un « protecteur », et vous payez pour deux wagons pleins, bien qu’un seul porte votre bois.

Enfin, quant à la rapidité des transports par voie ferrée, n’exagérons pas ; à la lenteur de la batellerie, comparons celle de la petite vitesse : l’écart n’est pas si grand ; ne parler que de la grande vitesse dans ces rapprochemens, c’est peu respecter ses lecteurs.

Les chemins de fer ne sont donc pas en cause ici ; ne voyons pas en eux et dans la batellerie des rivaux dont l’un doive évincer l’autre. Ce sont deux auxiliaires ; unissons-les le plus possible. La chose est aisée d’ailleurs avec la compagnie d’Orléans : ses voies desservent déjà les ports de Montargis, de Montluçon, ceux du canal de Berry comme Pont-Vert, la Guerche, Vierzon[1]. Mais cette union serait encore insuffisante. Il en faut une autre plus importante, prévue par la loi de 1879, et qu’en 1873 M. Krantz avait indiquée dans son rapport à l’Assemblée nationale : la jonction de la Loire au reste de notre réseau navigable.

Outre les canaux votés en 1879, entre le Rhône et la Loire, la Loire et la Charente, il faudrait donner à la plaine du centre une voie d’eau qui unisse le canal de Saint-Amand, l’Indre, la Creuse, la Vienne, la Dives, le Thouet et le Layon, pour drainer les produits agricoles et industriels si importans de cette région et du Massif central. Le canal de la Vienne à la Charente se prolongerait jusqu’à la Dordogne par l’Isle ; au nord, celui de Nantes à Brest ne sera vraiment utile qu’au jour où un canal le joindra, ainsi que celui d’Ille-et-Rance, aux affluens de la Maine et par eux à l’Orne au nord, à la Loire navigable ou au canal du Loing à l’est. Alors seulement existera le réseau de la Loire ; alors seulement ses affluens[2] joueront leur rôle naturel ; alors seulement,

  1. Conduite très différente de celle d’autres compagnies qui refusent parfois un raccord de 50 mètres entre leurs voies et la gare d’eau d’une usine, et la forcent ainsi à de coûteux transbordemens.
  2. Nombre d’entre eux ne sont pas mauvais, mais inutilisés : la Vienne, très faible de pente en plaine, peut devenir une excellente voie. La Mayenne, assez rapide, demanderait des travaux sérieux ; elle sert cependant encore beaucoup. La Sarthe, le Loir, très lents, à débit régulier, seraient de très bonnes routes ; tout le réseau de la Maine peut être mis facilement en valeur. L’Allier, l’Indre, ne sont pas navigables, mais le Cher est canalisé, et nombre d’affluens secondaires pourraient rendre de grands services, surtout à l’agriculture.